Si vous avez déjà franchi le seuil feutré d’un cabinet de psychanalyse, vous savez que le temps – ce complice insaisissable – n’est jamais aussi neutre qu’il n’y paraît. Pendant trop longtemps, ces 50 minutes sacrées ont régné en maîtres implacables, imposant un carcan qui, certes, rassurait par sa constance, mais étouffait souvent l’éclat imprévisible de l’inconscient. Aujourd’hui, laissez-moi vous convier à un voyage où le temps se module, où la scansion se fait geste de révolte et de beauté, et où, pour reprendre un célèbre aphorisme lacanien, « l’inconscient s’est fait jour » – et, osons-le dire, parfois même jouir ! Nous explorerons la séance à durée variable et la scansion, en nous laissant guider par l’esprit subversif de Lacan, qui, en véritable poète de l’inconscient, nous incitait à briser les chaînes du temps mesuré pour laisser éclater le désir et les silences porteurs de vérités.
On aurait presque dit que le sablier dictait l’instant où l’inconscient devait se taire – ou plutôt, se contenter de murmurer. Mais avouons-le, combien d’entre vous ont ressenti ce pincement insidieux à l’approche de la fin de la séance, quand l’inconscient, encore plein de secrets, se voyait brutalement interrompu par l’horloge ?
Prendre rdv avec mon psychanalyste à Versailles
Certains praticiens – surtout ceux, impertinents, qui suivent la lignée de Lacan – osent réinventer la séance en la rendant fluide, vivante, et surtout à l’écoute des élans irrésistibles du désir et des silences lourds de sens. Imaginez : au lieu de compter les minutes comme un bourreau, on laisse la parole s’étirer, se contracter, se jouer des convenances pour révéler ce qui se cache au plus profond de vous. Une véritable libération du sablier, qui laisse enfin l’inconscient s’exprimer sans compromis.
Et voilà que, dans un éclair de lucidité (ou de provocation assumée), l’analyste vous annonce : « Bravo, votre inconscient vient de se faire jour ! Arrêtons-nous là pour aujourd'hui ! »
La scansion amène la surprise. Le sujet n'est plus réveillé par la simple fin de la séance, mais par ce geste inattendu. Vous, qui pensiez contrôler la situation, voilà que vous êtes pris de court. Ne pouvant anticiper ce coup de théâtre, vous n’avez d’autre choix que de subir – et d’accueillir – la révélation. Le mécanisme est ingénieux : en empêchant le sujet de se rassurer par la complétude de son imaginaire, la scansion le prend à contre-pied, déjouant ainsi sa résistance plutôt que de la combattre ou même de l’analyser.
Plutôt que de se limiter à une fin arbitraire dictée par l’horloge, la scansion interrompt la séance en marquant l’instant précis où le langage intérieur – ce langage secret et vibrant – se révèle dans toute sa musicalité.
Comme le poète qui scande ses vers pour en extraire la rythmique et la cadence, l’analyste capte la pulsation de votre discours. Ici, la scansion devient une invitation à écouter ce que vos mots laissent entrevoir, à déceler dans chaque pause la mélodie des non-dits, à reconnaître dans chaque hésitation le battement d’un désir enfoui. Ce geste-clé, semblable à la ponctuation qui vient clore une strophe, célèbre l’aboutissement d’un passage décisif de votre récit intérieur.
Elle vous convie à une lecture sensible et métaphorique de vous-même, où le rythme de votre parole révèle des vérités insoupçonnées et où le silence se mue en vers libres. Le temps, alors, ne se mesure plus en minutes, mais en pulsations, en éclats de vérité qui s’égrènent comme autant de mots sur le grand parchemin de votre être.
Pour lui, « l’inconscient est structuré comme un langage » – une vérité qui ne se plie jamais aux contraintes de l’horloge. Dans sa verve légendaire, il déclarait :
Ce n’est pas seulement une provocation savoureuse, c’est une invitation à repenser l’essence même du discours inconscient. Pour Lacan, chaque mot, chaque silence, est une rébellion contre l’ordre du temps mesuré. Il nous cloue le bec, non pas pour nous imposer une doctrine, mais pour nous libérer de l’illusion d’un temps figé et prévisible.
Ainsi, il nous convie à imaginer la séance psychanalytique non comme une succession linéaire de minutes, mais comme un espace dynamique et en perpétuelle métamorphose. Dans ce théâtre des ombres et des lumières, le désir se joue des limites du temps, et les silences se transforment en éclats de vérité fulgurants, révélateurs des mystères les plus profonds de l’âme. Lacan nous pousse à voir l’instant comme une révolution, un moment suspendu où le langage de l’inconscient se libère, éclate et se réinvente, défiant ainsi toute logique chronométrée.
Il nous enseigne que le véritable pouvoir de la psychanalyse réside dans la capacité à écouter ce qui échappe aux conventions – à saisir la pulsion, le non-dit, le frisson d’un désir qui refuse de se laisser enfermer dans le tic-tac monotone d’une horloge.
Lacan, en véritable provocateur, nous offre ainsi une vision du temps radicalement différente : celle d’un espace où la rigueur des chiffres cède la place à l’éclat vibrant du vécu intérieur, où l’inattendu et le sublime s’entrelacent pour donner naissance à une expérience qui dépasse les limites de l’ordinaire. C’est cette vision subversive qui continue de faire vibrer l’univers de la psychanalyse, incitant chacun de nous à regarder au-delà des apparences et à embrasser l’imprévisible beauté d’un temps en constante évolution.
Ainsi, en bouleversant notre rapport au temps, Lacan ne se contente pas de théoriser : il met en acte sa vision radicale, l'expérimentant directement dans la cure. C’est précisément dans cet esprit d’audace et de remise en question qu’il marque un tournant décisif en 1953. Plongeons donc dans un moment clé de son œuvre, où théorie et pratique s’entrelacent avec éclat : le Discours de Rome.
C’est dans cet élan subversif que s’inscrit, donc, un épisode marquant de septembre 1953, resté célèbre sous le nom du Discours de Rome – Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse. Véritable manifeste, cet événement incarne la mise en acte de la pensée lacanienne : une psychanalyse affranchie des normes établies, où l’expérience errante devient un art clinique à part entière.
Plutôt que de laisser la séance suivre son cours monotone, il décide de briser les conventions en interrompant brutalement l'échange. Ce geste, à la fois subversif et impertinent, a levé une résistance tenace comme on ferait sauter les verrous d'une forteresse.
Ce coup de théâtre révéla avec une intensité déroutante un fantasme jusque-là voilé – une grossesse anale, accompagnée du désir fou d’une résolution par césarienne – et évita ainsi à l’analysant de s'enliser dans des spéculations interminables sur l’art chez Dostoïevski. L'interruption opérée par Lacan fut bien plus qu'un simple arrêt de séance : elle fut le déclencheur d'une expérience errante, un dérapage volontaire en dehors des sentiers battus de la clinique traditionnelle.
Ce moment saisissant incarne ce que Lacan appellera plus tard l’« expérience errante » – une échappée belle par rapport aux standards imposés, un écart qui, loin d'être une anomalie, ouvre la voie à une nouvelle lecture du transfert. La scansion y joue son rôle magistral, marquant avec une précision quasi-métaphysique l’instant où l’inconscient s’est imposé, brutal et limpide, face à un sujet désormais dépouillé de ses artifices rassurants. Ainsi, loin d’être un simple acte de rébellion, cette interruption devient un art à part entière : celui de transformer le chaos en révélation, une démonstration éclatante de la puissance libératrice de l’inconscient.
Prendre rdv avec mon psychanalyste à Versailles
Ce choix – prolonger ou clore – n’est pas le fruit d’un hasard, mais le résultat d’un acte éminemment psychanalytique, acte thérapeutique savamment orchestré. Il s’agit de laisser la parole s’exprimer selon ses propres règles, en déjouant les attentes pour faire surgir le véritable message de l’inconscient.
Elle est l’ultime clin d’œil, le coup de pinceau final sur une toile inachevée, qui signale que, dans l’effervescence de votre discours, une vérité s’est révélée. Ce geste surprend, désoriente, et oblige le sujet à regarder en face la richesse de ses propres mots, dans une tension où la résistance se dissout d’elle-même.
Comme une virgule qui vient clore une phrase poétique, la scansion vous surprend, vous déstabilise, et finalement, vous libère. Elle empêche le sujet de se rassurer en complétant son imaginaire, l’obligeant à affronter la réalité brutale et magnifique de son inconscient. Plutôt que de lutter contre la résistance, elle la contourne, la déjoue, et en fait un allié inattendu.
En adoptant une approche à durée variable et en pratiquant la scansion au moment opportun, l’analyste se transforme en médiateur d’un temps libéré, capable de révéler les plus sombres et les plus lumineux secrets de l’inconscient.
Plutôt que de suivre aveuglément des normes figées, l’analyste devient le guide d’un voyage intérieur où chaque silence, chaque mot, chaque interruption revêt une valeur infinie. Vous, explorateur(trice) de votre propre psyché, bénéficiez d'un cadre où le temps se plie à votre réalité, un espace où votre inconscient peut éclater en toute liberté.
En marquant la fin d’une séance par ce geste symbolique, l’analyste vous annonce, avec une touche d’irrévérence assumée, que votre inconscient a trouvé ses mots.
Ainsi, la prochaine fois que vous franchirez la porte d’un cabinet, souvenez-vous que le temps n’est pas un tyran, mais une toile mouvante sur laquelle se dessine le drame et la beauté de votre être. Comme le clamait Lacan avec verve : « l’inconscient est structuré comme un langage ». C’est dans cette langue, faite de silences, de surprises et de mots subversifs, que réside la clé d’une véritable libération.
Chers lecteurs, osez défier l’implacable tic-tac de l’horloge, laissez-vous emporter par la fluidité d’une séance qui se plie à vos désirs, et accueillez la scansion comme ce geste ultime qui proclame : votre inconscient a parlé, et il a osé se révéler.