Et si votre souffrance n’était pas une maladie mentale ?
25/4/2025

Et si votre souffrance n’était pas une maladie mentale ?

Et si ce que vous vivez n'était pas un trouble, mais une tentative de réponse ? Vous vous sentez vidé·e, anxieux·se, en perte de repères. On vous a peut-être parlé de dépression, de burn-out, ou d’anxiété généralisée. Un professionnel de santé vous a prescrit un traitement, un nom de trouble, peut-être une case dans laquelle vous ne vous reconnaissez pas. Mais si votre souffrance n’était pas un bug de fonctionnement, mais une réaction compréhensible à ce que vous vivez ? Et si elle disait quelque chose de vous, de vos liens, de votre histoire ? Et si ce n’était pas un dysfonctionnement mental, mais une tentative – certes douloureuse – de faire face à un vécu intérieur ou relationnel difficile ? Les approches non pathologisantes comme la psychanalyse ou la thérapie systémique stratégique proposent une autre manière de comprendre le mal-être : non comme un "trouble" à éliminer, mais comme une parole à entendre, un signal de déséquilibre, une porte vers une élaboration plus profonde.Elles partent d’une certitude : vous n’êtes pas une case, vous êtes une histoire.

Quand la psychiatrie transforme la souffrance en pathologie

De la souffrance psychique au trouble mental : une réduction problématique

Dans la logique dominante de la psychiatrie biomédicale, structurée autour du DSM-5, de la CIM-11 et des protocoles dits "evidence-based", la souffrance psychique est interprétée comme une anomalie mentale, une déviation par rapport à des normes comportementales et émotionnelles.

Un état émotionnel intense ? On parle de trouble dépressif majeur.
Une réaction jugée disproportionnée à un événement de vie ? Cela devient un trouble de l’adaptation.
Une peur persistante ou envahissante ? Elle est classée en trouble anxieux généralisé, phobie sociale, ou état de stress post-traumatique (ESPT).
Une difficulté relationnelle ou un repli sur soi ? Il peut être assimilé à un trouble de la personnalité ou un trouble du spectre de l'autisme.

En quelques minutes d’entretien, vous êtes catégorisé, diagnostiqué, souvent selon des critères standardisés.
Ce qui vous traverse, ce que vous ressentez, devient une entité clinique codifiée : trouble bipolaire, trouble obsessionnel-compulsif (TOC), syndrome dépressif, dysthymie, trouble borderline, trouble de la régulation émotionnelle

👉 Et avec cette étiquette, une prescription médicamenteuse ou comportementale : antidépresseurs, anxiolytiques, thérapies cognitivo-comportementales (TCC), protocoles de remédiation cognitive, ou prise en charge multidisciplinaire.

Ce que cette logique oublie ? Vous. Votre subjectivité. Votre parcours de vie. Vos attachements. Vos conflits intimes. Vos silences.

Classer n’est pas soigner : les limites du paradigme médical

Ce paradigme transforme des crises existentielles, des réactions normales à des situations anormales, des conflits intérieurs complexes en troubles psychiatriques à corriger.

On ne soigne pas une souffrance psychologique en la classant. On l’aggrave en la réduisant à un "diagnostic psychiatrique".

Une approche qui fait taire le sujet au lieu de l’écouter

En pathologisant des états humains profonds, parfois transitoires, parfois porteurs de sens, on retire au sujet le droit d’être affecté, de vivre un bouleversement, de traverser un effondrement sans être médicalisé.

Ce qui pourrait être entendu comme une crise identitaire, une manifestation d’un conflit inconscient, une rupture de sens dans le lien social ou familial, devient une pathologie cérébrale ou comportementale.

👉 Ce que la psychiatrie classe comme trouble mental, d'autres approches, comme la psychanalyse ou la thérapie systémique, y voient une tentative de survie psychique, une stratégie inconsciente d’adaptation, une expression symbolique d’un conflit intrapsychique ou relationnel, un appel au lien ou à la reconnaissance.

Pour une clinique du sens et de la subjectivité

Face à cette tendance à normaliser l’humain par la médicalisation de ses affects, il est essentiel de rappeler que la souffrance psychique n’est pas toujours une maladie mentale. Elle peut être :

  • une réaction émotionnelle légitime à une situation douloureuse
  • le reflet d’une impasse affective ou relationnelle
  • un appel inconscient à être vu, entendu, reconnu
  • une trace de l’histoire familiale ou transgénérationnelle
  • une manifestation d’un conflit entre désir et réalité

La clinique du lien, la psychanalyse, la thérapie systémique stratégique ou la psychothérapie humaniste offrent un autre cadre : non normatif, non stigmatisant, non réductionniste.

Ce que propose la psychanalyse ? écouter là où ça fait mal...

Une clinique du sens et de la subjectivité

La psychanalyse ne cherche pas à normaliser, elle cherche à comprendre.

Elle ne se demande pas comment faire disparaître les symptômes, mais ce que ces symptômes ont à dire. Elle considère que le mal-être psychique n’est pas un simple dysfonctionnement neurochimique, mais l’expression d’un conflit psychique, souvent inconscient.

Le symptôme psychique n’est pas un bug, c’est un message déguisé, une construction du sujet face à un déséquilibre interne, une tension entre le désir, les interdits, les représentations inconscientes et les injonctions sociales ou parentales.

💬 Le psychanalyste ne demande pas : « Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? »
Il interroge : « Qu’est-ce que votre souffrance vient dire, et à qui ? »

Il s’agit de mettre des mots sur l’énigme que vous portez, d’élaborer ce qui vous habite à votre insu, de traduire ce qui se répète malgré vous.

Parfois, cela signifie parler à la place d’un silence familial, porter une mémoire qui ne vous appartient pas, ou **vivre une dette symbolique jamais formulée.

🔍 Le symptôme comme formation de compromis, pas comme erreur

En psychanalyse, le symptôme est une formation de compromis. Il est la solution que l’inconscient trouve à un conflit interne insoluble.

Ce n’est pas une perturbation hasardeuse : c’est une création psychique, un montage symbolique, un acte de langage figé dans le corps ou la conduite.

Ce que la psychiatrie appelle trouble, la psychanalyse y voit une tentative de survie psychique, une stratégie de contournement du refoulement, une métaphore corporelle ou comportementale.

📌 Exemples de lecture psychanalytique :

  • Un trouble alimentaire peut dire quelque chose de la relation au désir de l’Autre, à la jouissance interdite, ou au manque primaire.
  • Des attaques de panique peuvent exprimer un retour du refoulé, un affect insoutenable sans représentation.
  • Une dépression peut être une perte d’objet impossible à symboliser, une colère retournée contre soi, ou une fidélité inconsciente à un mort ou à un idéal perdu.

Le symptôme ne vient pas "perturber" la vie. Il vient symboliser ce qui ne peut pas être pensé autrement.

🧭 L’élaboration psychique comme voie de transformation

Le travail psychanalytique ne vise pas à supprimer le symptôme — il vise à l’élaborer, à en faire quelque chose de nouveau, à permettre au sujet de retrouver du jeu là où tout était figé.

Ce n’est pas en réduisant un symptôme qu’on guérit.
C’est en accédant à la logique qui l’a produit, et en permettant à autre chose d’advenir à la place.

Ce que propose la thérapie systémique stratégique ? replacer la souffrance dans les liens...

Une approche relationnelle de la souffrance psychique

Et si ce qui vous fait souffrir n’était pas uniquement "en vous", mais aussi entre vous et les autres ?

C’est la question centrale posée par la thérapie systémique stratégique, une approche interactionnelle, contextuelle et non pathologisante des troubles émotionnels, comportementaux ou relationnels.

Contrairement aux modèles qui individualisent les symptômes et les classent comme des troubles mentaux isolés, la thérapie systémique considère que :

  • Le symptôme est co-construit dans un système de relations (familial, conjugal, professionnel…)
  • Il remplit une fonction dans cet équilibre, parfois dysfonctionnel, mais organisé
  • Il exprime souvent ce qui ne peut pas se dire autrement

🧩 Le symptôme comme signal du système

Un adolescent qui se replie dans le silence ? Il peut symboliser un conflit conjugal non verbalisé ou une angoisse parentale déplacée.
Une femme qui somatise ? Elle peut incarner une loyauté familiale invisible, un héritage transgénérationnel non élaboré.
Un cadre qui fait des crises d’angoisse au travail ? Il peut exprimer, à travers son corps, une souffrance organisationnelle ou relationnelle que personne n’ose nommer.

📌 Dans chacun de ces cas, le symptôme est vu comme un langage, pas comme une erreur. Il adresse un message à l’entourage, à la famille, au couple, au groupe.

🔁 Une logique du système, pas du déficit individuel

La thérapie systémique stratégique ne s’intéresse pas à un diagnostic psychiatrique, mais à la logique interactionnelle du symptôme :

  • À quoi répond-il dans le système relationnel ?
  • Quelle place symbolique le sujet occupe-t-il (le médiateur, le bouc émissaire, le régulateur émotionnel…) ?
  • Quelles sont les tentatives de solution mises en place par l’entourage et qui, paradoxalement, maintiennent ou aggravent le problème ?

👉 Ici, pas de norme à atteindre. Pas de fonctionnement "idéal" imposé.
La question n’est pas "Comment faire rentrer ce patient dans les clous ?", mais :

"Quel est le sens de ce symptôme dans son système ? Que cherche-t-il à réguler, à exprimer, à préserver ?"

🧠 La souffrance comme grammaire relationnelle

Dans cette approche, la souffrance psychologique est comprise comme un mécanisme de régulation.

Elle devient porteuse d’informations sur l’état des liens familiaux, des loyautés invisibles, des règles implicites ou des injonctions paradoxales.

  • La thérapie stratégique agit comme un déverrouillage, un repositionnement du symptôme dans une nouvelle dynamique.
  • Elle mobilise des outils concrets, parfois paradoxaux, pour déjouer les résistances du système et rétablir de la souplesse relationnelle.
  • Elle repose sur un changement de cadre de pensée : on ne "traite" pas un patient, on intervient dans un système pour modifier ses règles de fonctionnement.

La souffrance devient alors un langage à traduire. Et la thérapie, un espace pour en changer la grammaire.

⚖️ Deux approches, une même posture : ne pas pathologiser le vivant

Une éthique commune : accueillir, pas étiqueter

Bien que très différentes dans leurs méthodes et leurs cadres de référence, la psychanalyse et la thérapie systémique stratégique se retrouvent autour d’un principe clinique fondamental : ne pas réduire la souffrance psychique à un simple trouble mental.

Elles s’inscrivent dans une approche humaniste du soin psychique, centrée sur la subjectivité du patient, la fonction du symptôme, et la complexité des liens dans lesquels il s’inscrit.

🚫 Ce que ces approches refusent :

  • Réduire le sujet à un diagnostic psychiatrique ou à un trouble codifié.
  • Opposer normal et pathologique sur des bases statistiques ou normatives.
  • Appliquer un modèle unique de fonctionnement psychique, censé s’appliquer à tous.
  • Isoler les symptômes de leur contexte affectif, historique et relationnel.
  • Effacer la souffrance sans l’écouter, en recourant à des protocoles standardisés.

Ce que ces approches proposent :

  • Une écoute de la singularité, du discours du sujet, de son histoire inconsciente.
  • Une lecture du symptôme comme porte d’entrée vers un conflit interne à élaborer.
  • Un travail thérapeutique fondé sur la transformation symbolique et la reconfiguration des liens.
  • Une pratique qui remet au centre le langage, le sens, les affects, les alliances invisibles, les identifications inconscientes.
  • Une posture clinique non pathologisante, respectueuse de la subjectivité et des mécanismes de défense que le symptôme représente.

Elles ne soignent pas en supprimant.
Elles soignent en décodant, en transformant, en libérant.

🗣️ Le pouvoir des mots, la violence des étiquettes

Quand on vous dit que vous avez un "trouble", que vous êtes "dépressif", "borderline", "oppositionnel", ce n’est pas neutre.

Cela devient une identité imposée, un fardeau symbolique, un filtre sur tous vos gestes, vos pensées, vos relations.

À l’inverse, quand un psy vous dit :

« Parlons de ce qui vous traverse. »
« Explorons ce que cela vient toucher en vous. »
« Et si ce symptôme était une réponse à un conflit plus ancien ? »

Alors un espace s’ouvre. Un espace pour ne pas être figé dans une case, pour redevenir sujet de son propre récit.

Dans un monde où l’on veut classer, corriger, normaliser, la psychanalyse et la thérapie systémique stratégique rappellent une évidence oubliée : la souffrance psychique n’est pas une erreur, mais une tentative de dire ce qui ne peut pas encore être formulé.

Elles offrent une alternative thérapeutique puissante, fondée sur une autre conception du soin psychique : non pas la suppression du symptôme à tout prix, mais son interprétation, sa mise en sens, sa transformation.

Ces approches proposent une clinique du sujet, et non une clinique du trouble.
Elles s’inscrivent dans une éthique du lien, respectueuse de la complexité psychique, des logiques relationnelles et des loyautés invisibles qui sous-tendent souvent la plainte.

Là où certains voient un dysfonctionnement, elles entendent une tentative.
Là où certains veulent faire taire, elles choisissent d’écouter.
Là où d’autres imposent des protocoles, elles ouvrent un espace de parole et de subjectivation.

💊 Quand les molécules peuvent être un soutien nécessaire

Si la psychanalyse et la thérapie systémique stratégique privilégient une lecture subjective et relationnelle de la souffrance, cela ne signifie pas qu’elles s’opposent aux traitements médicamenteux.

Dans certaines situations, notamment face à une angoisse massive, une dépression sévère, ou un état de crise aiguë, les psychotropes peuvent offrir un apaisement temporaire, permettant au sujet de retrouver une stabilité minimale pour entamer ou poursuivre un travail thérapeutique de fond.

Le recours aux molécules ne doit pas faire taire la parole, mais la rendre à nouveau possible.

L’enjeu n’est donc pas d’opposer médicament et psychothérapie, mais de penser leur articulation de manière éthique, dans le respect de la complexité psychique de chaque personne. Parfois, un traitement est indispensable. Parfois, il est insuffisant s’il n’est pas accompagné d’un espace pour élaborer ce qui fait mal.

💬 Humaniser le symptôme, c’est déjà soigner

Plutôt que de traiter la souffrance comme une anomalie à éliminer, ces approches proposent de l’humaniser, de l’entourer de mots, de l’inscrire dans une histoire.
Parce qu’un symptôme qui parle devient un symptôme qui se transforme.

👉 C’est dans cette perspective que le soin psychique retrouve toute sa dimension : humaine, relationnelle, éthique.

🕊️ Et si vous n’étiez pas malade… mais simplement en train d’essayer de vous dire ?

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
Pour un soutien personnel ou professionnel, je vous propose un suivi adapté à vos besoins favorisant bien-être et épanouissement, à Versailles.

Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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