La thérapie familiale, et en particulier l’approche stratégique et systémique, se focalise sur les interactions entre les membres de la famille, en considérant les comportements individuels comme des reflets de dynamiques relationnelles. Toutefois, lorsque certains membres souhaitent s'engager dans une thérapie, alors que d’autres s'y opposent ou n’y voient pas d’intérêt, des défis particuliers surgissent.
La réticence peut provenir de l’appréhension face au changement. En effet, la thérapie implique souvent une mise en lumière des tensions, des conflits et des vulnérabilités du système familial, ce qui peut susciter un sentiment de menace pour ceux qui sont réfractaires à l’introspection. Comme l’ont observé Watzlawick, Weakland et Fisch (1975), la confrontation avec les aspects moins harmonieux du système peut provoquer une anxiété chez certains membres, les amenant à résister à l’idée même de changer.
Certains membres de la famille, souvent ceux qui ressentent ou expriment des difficultés plus manifestes, peuvent craindre que la thérapie ne serve à pointer leurs comportements comme la cause des dysfonctionnements. Cette idée de « patient désigné », conceptualisée dans la littérature en thérapie systémique, représente l’individu sur lequel la famille projette souvent ses difficultés, comme un moyen de détourner l’attention des problèmes globaux. Par ailleurs, des facteurs culturels et familiaux peuvent aussi alimenter la résistance : dans certaines familles, l’idée de consulter est encore perçue comme une faiblesse ou une stigmatisation, associée à une remise en question de la loyauté envers les valeurs familiales.
Ce concept central soutient que même en l’absence de certains membres, il est possible de provoquer des changements systémiques significatifs en travaillant avec ceux qui sont prêts à s’engager. Selon cette vision, le système familial est considéré comme un réseau interdépendant, où le changement d'un seul élément ou d'un seul individu peut entraîner une transformation des comportements et des réactions de l’ensemble du groupe. La thérapie se concentre alors sur les interactions et les comportements adaptatifs, en cherchant à induire des modifications subtiles mais profondes à travers ceux qui participent activement au processus.
Ainsi, même si tous les membres de la famille ne sont pas impliqués dans le processus thérapeutique, le travail avec ceux qui sont mobilisables peut avoir des répercussions sur le système tout entier. Ce phénomène est amplifié dans les familles où les relations sont étroitement intriquées ; chaque ajustement mineur est ressenti de manière amplifiée et peut induire un repositionnement général au sein de la dynamique familiale.
Cette résistance peut créer des tensions additionnelles entre ceux qui souhaitent s’investir dans la démarche et ceux qui y sont opposés. L'absence d'un membre important peut également réduire la capacité du thérapeute à explorer certaines interactions et enjeux familiaux, car certains aspects de la dynamique relationnelle demeurent invisibles ou peu accessibles.
En adoptant une attitude non-jugeante, le thérapeute accueille cette opposition et explore les raisons profondes derrière la réticence. Cette exploration permet de comprendre les peurs, les perceptions et les attentes qui sous-tendent la résistance et de les utiliser comme points de réflexion pour le reste du groupe. Parfois, le travail avec les membres volontaires permet d’aborder indirectement les sources de tension, ouvrant ainsi la voie à des changements progressifs chez ceux qui sont moins impliqués.
D’après l’approche stratégique systémique, il est possible de générer des effets positifs même sans la présence de tous les membres du système familial. Toutefois, la profondeur et la durabilité des changements peuvent varier. La thérapie peut notamment permettre de stabiliser temporairement la dynamique familiale en facilitant une communication plus saine et en réduisant les conflits au sein du groupe.
En ce sens, la thérapie peut apporter des améliorations, mais il est important de garder à l’esprit que l’absence de certains membres limite la possibilité d’explorer en profondeur toutes les facettes du problème. Selon Lefebvre et Desjardins (2021), les thérapies familiales sans la participation de tous les membres aboutissent souvent à des stabilisations temporaires, mais peinent à atteindre une transformation durable sans l’engagement de l’ensemble de la famille.
Ces individus endossent souvent, volontairement ou non, le rôle de « porteurs de changement », ce qui peut générer un sentiment de solitude et, parfois, de frustration. La littérature en thérapie systémique décrit ce phénomène comme le « fardeau du messager » : la personne qui participe seule peut se sentir isolée dans son désir de changement, et la réticence des autres peut renforcer son sentiment d’incompréhension.
Ces progrès personnels peuvent être bénéfiques à long terme, même si la transformation du système reste limitée sans l’implication de tous les membres. En somme, l’impact psychologique de la thérapie pour ces individus est double : il peut générer un sentiment de satisfaction et de croissance personnelle, tout en suscitant des difficultés émotionnelles liées à la position de « pionnier » au sein de la famille.
En approche stratégique systémique, nous considérons cette résistance comme une opportunité pour approfondir le travail thérapeutique. Plutôt que de chercher à convaincre les membres réticents de participer, le psychothérapeute stratégique explore les raisons sous-jacentes de leur refus et travaille avec les membres présents pour comprendre comment cette résistance peut être intégrée dans le processus de changement.
En s’appuyant sur des techniques de recadrage et d’exploration des perceptions, ils permettent aux membres engagés de modifier leurs propres attitudes et comportements, ce qui peut réduire indirectement la résistance des autres membres. Selon Roussillon (2007),
et en tant que telle, elle mérite d’être accueillie avec empathie. Cette approche transforme la résistance en un levier de changement, en permettant au thérapeute d'explorer les tensions et les peurs sans confrontation directe.
Cette asymétrie est souvent liée aux différences de personnalité, de génération et de besoins personnels. Les parents, par exemple, peuvent percevoir la thérapie comme une remise en question de leur autorité ou de leur modèle éducatif, tandis que les enfants ou les adolescents y voient une opportunité d’exprimer leurs propres attentes.
Dans certaines cultures ou familles, l’idée de consulter un psychothérapeute est encore associée à des tabous ou à des stigmates, ce qui peut renforcer la réticence. Le changement dans ces contextes peut être perçu comme une menace pour l’unité ou la cohésion du groupe, suscitant ainsi une résistance plus forte. Gagnon (2020) décrit ce phénomène comme un « clivage de loyauté » : les membres réticents peuvent percevoir l’engagement en thérapie comme une forme de trahison ou d’abandon des valeurs familiales.
Dans ce contexte, il est essentiel de se rappeler que l’efficacité de la thérapie ne se mesure pas uniquement à l’absence totale de conflit, mais à la capacité des membres engagés de développer des compétences pour gérer les tensions de manière plus constructive.
Comme le soulignent Boutin et Tremblay (2022),
« le changement n'est pas toujours perceptible immédiatement, mais il est en mouvement, comme une graine qui prend du temps à germer ».
Cela signifie que même si la transformation n’est pas radicale ni visible dès le départ, des avancées discrètes dans la compréhension mutuelle ou dans la gestion des émotions peuvent être des indicateurs de progrès. Ces bénéfices, bien que partiels, peuvent servir de fondation pour des changements plus profonds à long terme, si la famille continue d’avancer dans un cadre de respect et de bienveillance.
Nous continuons d'explorer de nouvelles méthodes pour rendre la thérapie plus accessible et moins intimidante, comme la thérapie en ligne, qui offre davantage de flexibilité aux familles géographiquement éloignées ou à celles qui hésitent à consulter en personne. De plus, des approches plus individualisées permettent aux membres mobilisables de travailler à leur propre rythme, sans pression extérieure.
En somme, même si la résistance demeure un défi majeur en thérapie familiale, elle est perçue dans l’approche stratégique systémique comme une opportunité de comprendre et d’intégrer les peurs et les insécurités qui entravent l’harmonie du système. Grâce aux techniques modernes et à une approche empathique et non-jugeante, la thérapie familiale peut continuer d’apporter un soutien essentiel à de nombreuses familles, aidant chaque membre à mieux comprendre son rôle et à renforcer les liens familiaux de manière positive et durable.
Les événements imprévus ou difficiles, comme un décès, un divorce, ou une maladie, accentuent souvent les conflits, et c’est à ce moment que les familles peuvent ressentir le besoin de l’aide d’un professionnel pour surmonter leur mal-être. Une thérapie familiale est particulièrement recommandée lorsque les conflits deviennent fréquents ou que les membres de la famille éprouvent des difficultés à communiquer ou à gérer des émotions intenses.
En thérapie systémique, on considère qu’un changement chez quelques membres peut suffire à influencer positivement l’ensemble du système familial. En effet, même si certaines personnes ne sont pas directement engagées dans le processus, les ajustements comportementaux des participants peuvent déclencher des réactions en cascade, créant ainsi une dynamique de changement dans le groupe familial.
La thérapie familiale est particulièrement bénéfique dans ce contexte, car elle peut aider chaque membre à mieux comprendre sa place et son rôle au sein de cette nouvelle structure, tout en améliorant les modes de communication. En offrant un espace pour exprimer les peurs, les attentes et les besoins de chacun, la thérapie peut aider à renforcer les liens et à établir des bases plus solides pour cette famille en reconstruction.
Le psychothérapeute commence généralement par permettre à chacun d’exprimer ses ressentis, ses préoccupations, et ses objectifs, en s’assurant que tous les membres se sentent écoutés. Au fil des séances, le thérapeute utilise des outils comme le génogramme pour retracer les relations et comprendre la dynamique familiale. La durée des thérapies peut varier, mais un travail significatif s’observe souvent entre 6 et 18 mois de suivi, selon l’intensité des problématiques abordées et l’engagement de la famille.
Cependant, il est important de comprendre que la thérapie peut continuer même sans sa participation. Selon la thérapie systémique, les membres qui restent impliqués peuvent continuer à travailler sur leurs interactions et à initier des changements, ce qui aura des effets positifs sur l’ensemble du système. Le thérapeute aidera la famille à adapter le cadre thérapeutique aux absences et à gérer les émotions générées par le départ de ce membre.
Il peut être utile d’aborder la thérapie comme une opportunité de mieux se comprendre, et non comme un jugement ou un blâme. Parfois, simplement inviter ce membre à participer à une première séance pour observer sans engagement peut l’aider à envisager la thérapie différemment. Le thérapeute peut également aider en expliquant que la thérapie est un espace neutre et bienveillant où chacun est libre de s’exprimer à son propre rythme.
Cette combinaison est souvent bénéfique, car elle permet de traiter des aspects individuels tout en abordant les interactions familiales dans un cadre collectif. Par exemple, un membre qui fait face à une dépression ou à des difficultés de gestion de stress peut bénéficier d’une approche individuelle, qui viendra soutenir les efforts réalisés en thérapie familiale. Cette complémentarité favorise un changement plus global et une meilleure compréhension des relations.
En France, par exemple, les consultations avec un psychiatre peuvent être partiellement remboursées, tandis que celles avec un psychologue sont couvertes seulement dans certains cas et par des régimes spécifiques. Certaines mutuelles prennent en charge une partie des frais de thérapie familiale, mais il est recommandé de vérifier auprès de son assureur. De plus, certaines associations ou structures de santé proposent des services de thérapie familiale à des tarifs réduits pour rendre l'accès plus inclusif .
Certaines familles rapportent des améliorations dès les premières séances, tandis que d’autres nécessitent davantage de temps pour intégrer les nouvelles dynamiques et dépasser les anciens schémas de communication. Le thérapeute ajuste le rythme des séances en fonction des besoins de la famille, et des exercices à domicile peuvent être proposés pour accélérer le processus de changement.