Thérapie familiale : comment progresser si tout le monde n’est pas prêt ?
27/10/2024

La thérapie familiale : Quand l'un veut et l'autre ne veut pas de la thérapie

La thérapie familiale, et en particulier l’approche stratégique et systémique, se focalise sur les interactions entre les membres de la famille, en considérant les comportements individuels comme des reflets de dynamiques relationnelles. Toutefois, lorsque certains membres souhaitent s'engager dans une thérapie, alors que d’autres s'y opposent ou n’y voient pas d’intérêt, des défis particuliers surgissent.

Comment un travail avec les personnes « mobilisables » peut engendrer des changements notables au sein du système familial... Allons y voir de plus près...

Pourquoi certaines personnes refusent-elles la thérapie familiale ?

Les raisons pour lesquelles certains membres de la famille refusent de s'engager dans une thérapie familiale sont variées et, bien souvent, ancrées dans des peurs et des résistances profondes.

La réticence peut provenir de l’appréhension face au changement. En effet, la thérapie implique souvent une mise en lumière des tensions, des conflits et des vulnérabilités du système familial, ce qui peut susciter un sentiment de menace pour ceux qui sont réfractaires à l’introspection. Comme l’ont observé Watzlawick, Weakland et Fisch (1975), la confrontation avec les aspects moins harmonieux du système peut provoquer une anxiété chez certains membres, les amenant à résister à l’idée même de changer.

La peur d’être désigné comme « le problème » ou le « patient désigné » est également un facteur clé de réticence.

Certains membres de la famille, souvent ceux qui ressentent ou expriment des difficultés plus manifestes, peuvent craindre que la thérapie ne serve à pointer leurs comportements comme la cause des dysfonctionnements. Cette idée de « patient désigné », conceptualisée dans la littérature en thérapie systémique, représente l’individu sur lequel la famille projette souvent ses difficultés, comme un moyen de détourner l’attention des problèmes globaux. Par ailleurs, des facteurs culturels et familiaux peuvent aussi alimenter la résistance : dans certaines familles, l’idée de consulter est encore perçue comme une faiblesse ou une stigmatisation, associée à une remise en question de la loyauté envers les valeurs familiales.

Est-il possible d’entamer une thérapie familiale si tout le monde n’est pas volontaire ?

L’approche stratégique systémique offre une réponse positive à cette question en permettant le travail thérapeutique avec les membres « mobilisables » du système.

Ce concept central soutient que même en l’absence de certains membres, il est possible de provoquer des changements systémiques significatifs en travaillant avec ceux qui sont prêts à s’engager. Selon cette vision, le système familial est considéré comme un réseau interdépendant, où le changement d'un seul élément ou d'un seul individu peut entraîner une transformation des comportements et des réactions de l’ensemble du groupe. La thérapie se concentre alors sur les interactions et les comportements adaptatifs, en cherchant à induire des modifications subtiles mais profondes à travers ceux qui participent activement au processus.

Cette approche s’appuie sur le principe de rétroaction systémique : en modifiant leurs propres comportements, les membres présents en thérapie provoquent des réactions chez les absents, déclenchant ainsi un effet de résonance à travers les relations familiales.

Ainsi, même si tous les membres de la famille ne sont pas impliqués dans le processus thérapeutique, le travail avec ceux qui sont mobilisables peut avoir des répercussions sur le système tout entier. Ce phénomène est amplifié dans les familles où les relations sont étroitement intriquées ; chaque ajustement mineur est ressenti de manière amplifiée et peut induire un repositionnement général au sein de la dynamique familiale.

Quels sont les effets de la résistance sur la dynamique de la thérapie ?

Lorsqu’un ou plusieurs membres d'une famille refusent de s’engager en thérapie, cela influence inévitablement la dynamique du processus thérapeutique.

Cette résistance peut créer des tensions additionnelles entre ceux qui souhaitent s’investir dans la démarche et ceux qui y sont opposés. L'absence d'un membre important peut également réduire la capacité du thérapeute à explorer certaines interactions et enjeux familiaux, car certains aspects de la dynamique relationnelle demeurent invisibles ou peu accessibles.

Cependant, l’approche stratégique systémique intègre cette résistance comme un élément du travail thérapeutique, plutôt que comme un obstacle insurmontable.

En adoptant une attitude non-jugeante, le thérapeute accueille cette opposition et explore les raisons profondes derrière la réticence. Cette exploration permet de comprendre les peurs, les perceptions et les attentes qui sous-tendent la résistance et de les utiliser comme points de réflexion pour le reste du groupe. Parfois, le travail avec les membres volontaires permet d’aborder indirectement les sources de tension, ouvrant ainsi la voie à des changements progressifs chez ceux qui sont moins impliqués.

La thérapie peut-elle réussir sans la participation de tous les membres ?

La question de la réussite d’une thérapie familiale avec une participation partielle est complexe et suscite des débats.

D’après l’approche stratégique systémique, il est possible de générer des effets positifs même sans la présence de tous les membres du système familial. Toutefois, la profondeur et la durabilité des changements peuvent varier. La thérapie peut notamment permettre de stabiliser temporairement la dynamique familiale en facilitant une communication plus saine et en réduisant les conflits au sein du groupe.

Certaines études montrent que le simple fait d'impliquer quelques membres permet de créer un environnement favorable au dialogue et à la compréhension, contribuant ainsi à une forme de « contagion positive » (Minuchin, 2009).

En ce sens, la thérapie peut apporter des améliorations, mais il est important de garder à l’esprit que l’absence de certains membres limite la possibilité d’explorer en profondeur toutes les facettes du problème. Selon Lefebvre et Desjardins (2021), les thérapies familiales sans la participation de tous les membres aboutissent souvent à des stabilisations temporaires, mais peinent à atteindre une transformation durable sans l’engagement de l’ensemble de la famille.

Quels sont les impacts psychologiques pour les membres qui participent seuls ?

Les membres de la famille qui s’engagent seuls dans une thérapie familiale peuvent ressentir une charge émotionnelle spécifique, liée à la fois aux attentes de changement et à la pression qui en découle.

Ces individus endossent souvent, volontairement ou non, le rôle de « porteurs de changement », ce qui peut générer un sentiment de solitude et, parfois, de frustration. La littérature en thérapie systémique décrit ce phénomène comme le « fardeau du messager » : la personne qui participe seule peut se sentir isolée dans son désir de changement, et la réticence des autres peut renforcer son sentiment d’incompréhension.

Certains participants rapportent également des bénéfices psychologiques significatifs, comme une meilleure compréhension de leur propre rôle dans la dynamique familiale, une clarification de leurs limites et une affirmation de leurs besoins individuels (Nicole & Talpin, 2019).

Ces progrès personnels peuvent être bénéfiques à long terme, même si la transformation du système reste limitée sans l’implication de tous les membres. En somme, l’impact psychologique de la thérapie pour ces individus est double : il peut générer un sentiment de satisfaction et de croissance personnelle, tout en suscitant des difficultés émotionnelles liées à la position de « pionnier » au sein de la famille.

Comment un psychothérapeute aborde-t-il la résistance dans une thérapie familiale ?

La résistance, en thérapie familiale, est souvent perçue non pas comme un obstacle, mais comme une manifestation de peurs, de doutes ou de conflits internes.

En approche stratégique systémique, nous considérons cette résistance comme une opportunité pour approfondir le travail thérapeutique. Plutôt que de chercher à convaincre les membres réticents de participer, le psychothérapeute stratégique explore les raisons sous-jacentes de leur refus et travaille avec les membres présents pour comprendre comment cette résistance peut être intégrée dans le processus de changement.

Les thérapeutes systémiciens adoptent une posture de neutralité bienveillante, cherchant à éviter toute pression ou jugement, afin de préserver l’espace thérapeutique comme un lieu sécurisé pour chacun.

En s’appuyant sur des techniques de recadrage et d’exploration des perceptions, ils permettent aux membres engagés de modifier leurs propres attitudes et comportements, ce qui peut réduire indirectement la résistance des autres membres. Selon Roussillon (2007),

« la résistance est souvent le miroir des peurs et des vulnérabilités »

et en tant que telle, elle mérite d’être accueillie avec empathie. Cette approche transforme la résistance en un levier de changement, en permettant au thérapeute d'explorer les tensions et les peurs sans confrontation directe.

Pourquoi le désir de changement est-il souvent asymétrique dans les familles ?

Le désir de changement est rarement homogène au sein des familles, et les attentes de chaque membre varient souvent en fonction de leur rôle et de leur vécu individuel.

Certains peuvent souhaiter un changement pour améliorer leur bien-être ou pour alléger une situation perçue comme pesante, tandis que d’autres préfèrent conserver le statu quo, qui leur paraît plus rassurant.

Cette asymétrie est souvent liée aux différences de personnalité, de génération et de besoins personnels. Les parents, par exemple, peuvent percevoir la thérapie comme une remise en question de leur autorité ou de leur modèle éducatif, tandis que les enfants ou les adolescents y voient une opportunité d’exprimer leurs propres attentes.

Les différences culturelles et les valeurs familiales jouent également un rôle dans cette asymétrie.

Dans certaines cultures ou familles, l’idée de consulter un psychothérapeute est encore associée à des tabous ou à des stigmates, ce qui peut renforcer la réticence. Le changement dans ces contextes peut être perçu comme une menace pour l’unité ou la cohésion du groupe, suscitant ainsi une résistance plus forte. Gagnon (2020) décrit ce phénomène comme un « clivage de loyauté » : les membres réticents peuvent percevoir l’engagement en thérapie comme une forme de trahison ou d’abandon des valeurs familiales.

Comment savoir si la thérapie est bénéfique malgré les résistances ?

Évaluer les bénéfices de la thérapie familiale malgré la résistance est un processus complexe, car les progrès peuvent être subtils et graduels.

Les effets positifs de la thérapie peuvent se manifester par des changements de comportement, une amélioration de la communication, et une réduction des conflits, même si tous les membres ne sont pas impliqués.

Dans ce contexte, il est essentiel de se rappeler que l’efficacité de la thérapie ne se mesure pas uniquement à l’absence totale de conflit, mais à la capacité des membres engagés de développer des compétences pour gérer les tensions de manière plus constructive.

Comme le soulignent Boutin et Tremblay (2022),

« le changement n'est pas toujours perceptible immédiatement, mais il est en mouvement, comme une graine qui prend du temps à germer ».

Cela signifie que même si la transformation n’est pas radicale ni visible dès le départ, des avancées discrètes dans la compréhension mutuelle ou dans la gestion des émotions peuvent être des indicateurs de progrès. Ces bénéfices, bien que partiels, peuvent servir de fondation pour des changements plus profonds à long terme, si la famille continue d’avancer dans un cadre de respect et de bienveillance.

Quelles perspectives pour la thérapie familiale avec des participants réticents ?

Face aux réalités des familles et aux diverses formes de résistance, la thérapie familiale continue d’évoluer pour répondre aux besoins de chaque système unique.

Nous continuons d'explorer de nouvelles méthodes pour rendre la thérapie plus accessible et moins intimidante, comme la thérapie en ligne, qui offre davantage de flexibilité aux familles géographiquement éloignées ou à celles qui hésitent à consulter en personne. De plus, des approches plus individualisées permettent aux membres mobilisables de travailler à leur propre rythme, sans pression extérieure.

En somme, même si la résistance demeure un défi majeur en thérapie familiale, elle est perçue dans l’approche stratégique systémique comme une opportunité de comprendre et d’intégrer les peurs et les insécurités qui entravent l’harmonie du système. Grâce aux techniques modernes et à une approche empathique et non-jugeante, la thérapie familiale peut continuer d’apporter un soutien essentiel à de nombreuses familles, aidant chaque membre à mieux comprendre son rôle et à renforcer les liens familiaux de manière positive et durable.

Vos questions fréquentes sur la thérapie familiale et ses résistances

À quel moment est-il conseillé d'entamer une thérapie familiale ?

La thérapie familiale peut être utile dans de nombreux contextes de la vie d'une famille : des périodes de transition, comme la naissance d’un enfant, l’adolescence, ou le départ d’un membre, peuvent générer des tensions et des incompréhensions.

Les événements imprévus ou difficiles, comme un décès, un divorce, ou une maladie, accentuent souvent les conflits, et c’est à ce moment que les familles peuvent ressentir le besoin de l’aide d’un professionnel pour surmonter leur mal-être. Une thérapie familiale est particulièrement recommandée lorsque les conflits deviennent fréquents ou que les membres de la famille éprouvent des difficultés à communiquer ou à gérer des émotions intenses.

La thérapie familiale est-elle toujours efficace si un membre de la famille est réticent ?

La réticence d'un membre à participer à la thérapie ne signifie pas nécessairement que celle-ci sera inefficace.

En thérapie systémique, on considère qu’un changement chez quelques membres peut suffire à influencer positivement l’ensemble du système familial. En effet, même si certaines personnes ne sont pas directement engagées dans le processus, les ajustements comportementaux des participants peuvent déclencher des réactions en cascade, créant ainsi une dynamique de changement dans le groupe familial.

La thérapie familiale est-elle adaptée pour les familles recomposées ?

Les familles recomposées rencontrent souvent des défis uniques, liés à l’intégration des membres issus de différents foyers et à la gestion des liens entre les nouveaux partenaires et les enfants.

La thérapie familiale est particulièrement bénéfique dans ce contexte, car elle peut aider chaque membre à mieux comprendre sa place et son rôle au sein de cette nouvelle structure, tout en améliorant les modes de communication. En offrant un espace pour exprimer les peurs, les attentes et les besoins de chacun, la thérapie peut aider à renforcer les liens et à établir des bases plus solides pour cette famille en reconstruction.

Comment se déroule une séance de thérapie familiale ?

Chaque séance de thérapie familiale est une expérience unique, adaptée aux besoins spécifiques des participants.

Le psychothérapeute commence généralement par permettre à chacun d’exprimer ses ressentis, ses préoccupations, et ses objectifs, en s’assurant que tous les membres se sentent écoutés. Au fil des séances, le thérapeute utilise des outils comme le génogramme pour retracer les relations et comprendre la dynamique familiale. La durée des thérapies peut varier, mais un travail significatif s’observe souvent entre 6 et 18 mois de suivi, selon l’intensité des problématiques abordées et l’engagement de la famille.

Que faire si un membre de la famille abandonne la thérapie en cours de route ?

Il est possible qu'un membre de la famille décide de quitter la thérapie en cours de processus, ce qui peut perturber l'équilibre et les progrès de la famille.

Cependant, il est important de comprendre que la thérapie peut continuer même sans sa participation. Selon la thérapie systémique, les membres qui restent impliqués peuvent continuer à travailler sur leurs interactions et à initier des changements, ce qui aura des effets positifs sur l’ensemble du système. Le thérapeute aidera la famille à adapter le cadre thérapeutique aux absences et à gérer les émotions générées par le départ de ce membre.

Comment convaincre un membre de la famille réticent à essayer la thérapie ?

Convaincre un membre de la famille d’essayer la thérapie peut être délicat, surtout si la personne associe cette démarche à un échec personnel ou à une remise en question de son rôle.

Il peut être utile d’aborder la thérapie comme une opportunité de mieux se comprendre, et non comme un jugement ou un blâme. Parfois, simplement inviter ce membre à participer à une première séance pour observer sans engagement peut l’aider à envisager la thérapie différemment. Le thérapeute peut également aider en expliquant que la thérapie est un espace neutre et bienveillant où chacun est libre de s’exprimer à son propre rythme.

Peut-on combiner la thérapie familiale avec une thérapie individuelle ?

Oui, il est possible de combiner une thérapie familiale avec une psychothérapie individuelle pour les membres qui souhaitent travailler sur des problématiques personnelles spécifiques.

Cette combinaison est souvent bénéfique, car elle permet de traiter des aspects individuels tout en abordant les interactions familiales dans un cadre collectif. Par exemple, un membre qui fait face à une dépression ou à des difficultés de gestion de stress peut bénéficier d’une approche individuelle, qui viendra soutenir les efforts réalisés en thérapie familiale. Cette complémentarité favorise un changement plus global et une meilleure compréhension des relations.

La thérapie familiale est-elle couverte par les assurances ?

La couverture de la thérapie familiale dépend des pays et des régimes d’assurance.

En France, par exemple, les consultations avec un psychiatre peuvent être partiellement remboursées, tandis que celles avec un psychologue sont couvertes seulement dans certains cas et par des régimes spécifiques. Certaines mutuelles prennent en charge une partie des frais de thérapie familiale, mais il est recommandé de vérifier auprès de son assureur. De plus, certaines associations ou structures de santé proposent des services de thérapie familiale à des tarifs réduits pour rendre l'accès plus inclusif .

Combien de temps faut-il en moyenne pour observer des changements en thérapie familiale ?

La durée nécessaire pour observer des changements dépend de nombreux facteurs, notamment de la complexité des problèmes abordés, de la participation de la famille, et de la fréquence des séances.

En moyenne, la thérapie familiale peut s’étendre de 6 mois à 18 mois.

Certaines familles rapportent des améliorations dès les premières séances, tandis que d’autres nécessitent davantage de temps pour intégrer les nouvelles dynamiques et dépasser les anciens schémas de communication. Le thérapeute ajuste le rythme des séances en fonction des besoins de la famille, et des exercices à domicile peuvent être proposés pour accélérer le processus de changement.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
Pour un soutien personnel ou professionnel, je vous propose un suivi adapté à vos besoins favorisant bien-être et épanouissement, à Versailles.

Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

Vous pourriez être intéressé(e) par...

Vous pourriez également être curieux(se) de...