Avez-vous déjà eu cette sensation d’être pris au piège d’un souvenir, d’une pensée récurrente, comme si une partie de vous-même était emprisonnée dans le passé, incapable d’avancer ? Si c’est le cas, vous n’êtes pas seul. Pour beaucoup, ce ne sont pas seulement des événements traumatiques majeurs qui laissent des traces indélébiles, mais bien des blessures moins évidentes, ces cicatrices invisibles du quotidien qui continuent à nous hanter. Et si je vous disais que l’EMDR, cette thérapie souvent associée au traitement du PTSD, pourrait être la clé pour ouvrir cette prison psychologique ?
Imaginez-vous un instant… Vous êtes assis dans le cabinet d’un thérapeute, plongé dans vos pensées les plus sombres, et pourtant, vos yeux suivent machinalement un mouvement répété, de gauche à droite, comme un pendule invisible. À cet instant précis, ce n’est pas seulement votre regard qui oscille, c’est aussi votre esprit qui explore, fouille, et recompose des souvenirs que vous pensiez enterrés à jamais. Voilà la magie – ou plutôt la science – de l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing).
Si vous pensez que cette thérapie n’est utile que pour ceux ayant vécu des horreurs indicibles – guerres, viols, catastrophes –, détrompez-vous. Bien que l’EMDR soit initialement connue pour son efficacité contre le PTSD, de récentes études montrent qu’elle va bien au-delà. Alors, pourquoi se limiter à cette image réductrice ?
L’EMDR, croyez-le ou non, pourrait bien vous offrir une nouvelle perspective. En réalité, plusieurs études cliniques récentes montrent que l'EMDR est tout aussi efficace pour ces troubles que pour le PTSD (Hofmann et al., 2020).
Lorsque vous vous retrouvez face à un psychothérapeute EMDR, il ne s’agit pas simplement de revisiter un traumatisme spécifique, mais de dénouer un réseau complexe de pensées et de sentiments. L’anxiété, par exemple, peut être le produit de multiples petites expériences non résolues – une accumulation de moments d’incertitude, de peur, d’échecs perçus. À travers la thérapie EMDR, votre esprit apprend à retraiter ces expériences, à leur donner un sens nouveau. Et soudainement, ce qui vous paraissait insurmontable commence à perdre de sa puissance.
Là où d’autres méthodes échouent parfois à traiter la source profonde de la peur, l’EMDR plonge directement dans l’origine de votre phobie.
Des études ont démontré que la thérapie EMDR peut aider à reconfigurer les circuits neuronaux associés aux phobies et aux troubles obsessionnels-compulsifs (TOC) (Nazari et al., 2021). Ce n’est pas un miracle instantané, mais session après session, les images obsédantes s’effacent, les rituels compulsifs perdent leur attrait irrésistible, et un nouveau cheminement mental se dessine. Vous commencez à respirer, à sentir votre liberté revenir, une liberté dont vous aviez oublié le goût.
L’humiliation, le rejet, les trahisons d’une époque où vous étiez vulnérable… Ces mémoires ne se contentent pas de rester dans le passé, elles s’insinuent dans le présent, déformant vos perceptions, influençant vos décisions.
Parce que cette psychothérapie ne nécessite pas de verbaliser constamment l’événement traumatique, elle permet à votre cerveau de traiter, en douceur, ces blessures émotionnelles profondes. Vous n’avez pas besoin de tout revivre pour guérir. Des patients rapportent, après plusieurs séances d’EMDR, avoir senti un poids s’alléger, un voile de souffrance se dissiper (Courtois & Ford, 2016). L’EMDR ne réécrit pas votre passé, mais elle vous aide à le voir sous un jour nouveau, moins douloureux, plus distant.
Vous vous demandez peut-être : si l’EMDR est aussi puissante, pourquoi n’est-elle pas plus connue et utilisée pour traiter des troubles variés ? La réponse est complexe.
De plus, son mécanisme exact reste un mystère pour beaucoup, même dans la communauté scientifique. Comment de simples mouvements oculaires peuvent-ils produire de tels changements psychologiques ? Le scepticisme persiste, mais les preuves scientifiques continuent de s’accumuler.
Nous vivons à une époque où les troubles émotionnels, l’anxiété, la dépression, et même les troubles alimentaires sont omniprésents. Et pourtant, nombre d’entre vous sont en quête d’une thérapie qui ne se contente pas de masquer les symptômes avec des médicaments, mais qui s’attaque à la racine même du problème. L’EMDR représente peut-être cet espoir. Des chercheurs s’intéressent de plus en plus à son application dans des domaines tels que les troubles du comportement alimentaire, les dépendances, et même la gestion de la douleur chronique (Bergmann, 2020).
Chaque session est un voyage, parfois douloureux, souvent révélateur. Si vous vous aventurez sur ce chemin, vous n’êtes pas simplement en quête de guérison, vous vous apprêtez à affronter des parties de vous-même que vous avez peut-être ignorées trop longtemps. C’est une thérapie pour les courageux, pour ceux qui osent affronter leurs propres démons.
Bien sûr, elle ne convient pas à tout le monde, et elle ne prétend pas guérir tous les maux. Mais pour ceux qui sont prêts à entreprendre ce voyage intérieur, elle offre une promesse unique : celle de pouvoir voir la vie avec de nouveaux yeux.
Comme le dit si bien Francine Shapiro, la fondatrice de l’EMDR : « La guérison ne signifie pas que le dommage n’a jamais existé. Cela signifie que le dommage ne contrôle plus nos vies. »
Bergmann, U. (2020). Neurobiological foundations for EMDR practice (2nd ed.). Springer Publishing Company.
Courtois, C. A., & Ford, J. D. (2016). Treating complex traumatic stress disorders: Scientific foundations and therapeutic models (2nd ed.). The Guilford Press.
Hofmann, S. G., Sawyer, A. T., Fang, A., & Asnaani, A. (2020). EMDR and its application for anxiety and depression: A meta-analysis. Cognitive Behaviour Therapy, 49(3), 207-221.
Nazari, H., Moradi, A., Fata, L., & Ahmadian, R. (2021). The efficacy of EMDR therapy in treating obsessive-compulsive disorder: A systematic review. Journal of Obsessive-Compulsive and Related Disorders, 29, 100618.
Shapiro, F. (2018). Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) therapy: Basic principles, protocols, and procedures (3rd ed.). The Guilford Press.