Psychanalyse et blocages : surmonter l'ignorance, mais pas le refus
18/10/2024

Psychanalyse entre ignorance et résistances, que révèle-t-elle vraiment ?

Ignorance et fermeture d'esprit : quelle différence en psychanalyse ? Lacan différencie l'ignorance, un manque de savoir susceptible d'être comblé, de la "connerie", une fermeture volontaire à tout savoir nouveau. Cette distinction souligne les limites de la psychanalyse face à une résistance psychique profonde.

« La psychanalyse est un remède contre l'ignorance. Elle est sans effet sur la connerie » (Lacan, 2001, p. 105).

Cette déclaration de Jacques Lacan peut sembler dure et surprenante, surtout venant d'un penseur dont l'objectif était de comprendre l'esprit humain dans toute sa complexité.

Pourtant, à travers cette phrase, Lacan ne propose ni un simple constat, ni un jugement de valeur, mais une réflexion profonde sur la psychanalyse, ses capacités et ses limites. Vous vous demandez peut-être ce que cette distinction signifie. Pourquoi Lacan, ce maître de l’inconscient, affirme-t-il qu'il est impossible de traiter la « connerie » avec la psychanalyse ? Dans cet article, nous allons explorer cette question à travers une approche qui vous invite à une réflexion sincère, tout en répondant aux interrogations fréquentes que vous pourriez avoir à ce sujet.

Qu’est-ce que l’ignorance selon la psychanalyse ?

Lorsque l'on parle d'ignorance, il est facile de penser à un simple manque de connaissance.

Vous pourriez vous dire : « Je suis ignorant de tel ou tel sujet, mais avec un peu d'apprentissage, je pourrais combler cette lacune. » Mais en psychanalyse, l’ignorance prend un sens beaucoup plus complexe. Pour Lacan, l'ignorance n’est pas seulement un vide que l’on pourrait remplir avec des faits et des savoirs. Elle est une cécité psychologique, une méconnaissance de soi-même, des aspects de notre psyché qui échappent à notre conscience et influencent nos actions sans que nous en ayons conscience (Lacan, 2001).

La psychanalyse, dans cette perspective, est effectivement un remède à l’ignorance.

Le patient qui s’engage dans une analyse découvre progressivement, à travers son propre discours et les interprétations de l’analyste, des vérités qu’il ne savait pas savoir. Ces vérités sont souvent refoulées dans l'inconscient, cachées derrière des mécanismes de défense que nous avons développés au fil du temps pour protéger notre psyché de ce qui pourrait être trop douloureux à affronter. Il ne s'agit pas ici d'un savoir extérieur que l’on viendrait inculquer au patient, mais d’un savoir intérieur, enfoui, qui émerge à mesure que le sujet accepte de se confronter à ses désirs inconscients.

Comment le Sujet supposé savoir agit-il sur l’ignorance ?

Un concept central pour comprendre ce processus est celui du "Sujet supposé savoir", que Lacan développe dans son travail sur le transfert.

Lorsque vous vous engagez dans une analyse, vous supposez implicitement que l’analyste sait quelque chose de vous que vous-même ignorez. Cette supposition n'est pas un fait conscient, mais elle constitue le moteur même de l'analyse. Vous parlez à l'analyste, vous dévoilez votre pensée, dans l’espoir que ce dernier, silencieux, détient une clé pour déchiffrer vos désirs cachés. Lacan (1977) explique que cette supposition de savoir est une illusion nécessaire à la dynamique thérapeutique.

L'analyste n'a pas réellement ce savoir caché, mais c'est la croyance du patient en ce savoir qui permet au processus d’avancer.

Ce mécanisme crée un espace dans lequel le patient se sent libre de parler, d’explorer ses pensées les plus enfouies, parce qu’il croit que l'analyste comprend ce qui se passe au-delà des mots. Et à travers ce discours, le patient parvient à se révéler à lui-même. Ainsi, la psychanalyse permet au sujet de dissiper son ignorance non pas en recevant une vérité de l'extérieur, mais en découvrant sa propre vérité intérieure, celle qui émerge de l'inconscient. C’est là toute la puissance de la psychanalyse : elle ne donne pas un savoir, elle crée les conditions pour que ce savoir se révèle.

Pourquoi la psychanalyse échoue-t-elle face à la « connerie » ?

Si la psychanalyse peut dissiper l’ignorance, pourquoi est-elle impuissante face à la connerie ? Ce terme, que Lacan utilise avec provocation, ne se réfère pas ici à une simple bêtise ou à un manque de compréhension. Au contraire, la est une forme d'ignorance active, un refus conscient ou inconscient de toute remise en question. Là où l’ignorance peut être levée par la révélation de l’inconscient, la "connerie" persiste parce qu’elle se fonde sur une fermeture absolue à toute forme de savoir.

Lacan ne parle pas ici d’une insulte, mais d’une attitude mentale, d'une résistance psychique.

Celui qu’il appelle le con est celui qui refuse de savoir. Ce n’est pas qu’il est ignorant, c’est qu’il refuse de quitter ses certitudes, de s'ouvrir à une nouvelle compréhension de lui-même. En ce sens, la "connerie" est imperméable à la psychanalyse, car elle empêche l’émergence du "Sujet supposé savoir". Si le patient ne suppose pas que l’analyste sait quelque chose de lui, s’il refuse de s’engager dans cette dynamique du transfert, alors il n’y a pas d’analyse possible.

Cette distinction entre ignorance et "connerie" n'est pas un jugement moral.

Lacan ne condamne pas ici, il décrit simplement un phénomène clinique. L'ignorant peut évoluer grâce à l’analyse, le con, lui, persiste dans sa résistance. Il rejette la possibilité même de savoir.

Quelle est la différence entre l'ignorance et la « connerie » ?

La différence entre l'ignorance et la "connerie" se trouve donc dans l’attitude face au savoir.

L'ignorant, même s'il ne sait pas, est ouvert à la possibilité d'apprendre, de découvrir quelque chose de nouveau sur lui-même. Il ne sait pas qu’il ne sait pas, mais il est prêt à explorer cette ignorance. La "connerie", en revanche, est une fermeture à cette possibilité. Le sujet refuse de remettre en cause ses certitudes, il rejette toute forme de découverte intérieure. En ce sens, il est imperméable au processus analytique (Lacan, 2001).

Lacan (1977) souligne que la psychanalyse peut éclairer les zones d'ombre de l’inconscient, mais seulement si le sujet accepte de se confronter à ses désirs et à ses refoulements. La "connerie" empêche cette confrontation. Elle verrouille la possibilité même de remise en question. Là où l'ignorance peut être levée par le processus analytique, la connerie persiste car elle rejette d’emblée l’idée même qu'il y ait quelque chose à découvrir.

La psychanalyse peut-elle tout expliquer ?

Vous pourriez vous demander si la psychanalyse peut véritablement tout expliquer. La réponse est non.

La psychanalyse n’est pas une science totale qui pourrait révéler toutes les vérités cachées. Lacan (1977) parlait du réel, cette part de l’expérience humaine qui échappe au langage et à la symbolisation. Le réel est ce qui résiste à l’analyse, ce qui ne peut être mis en mots, ni pleinement compris. C’est la limite même de la psychanalyse : il y a des aspects de l’inconscient qui resteront toujours hors de portée, inaccessibles.

De plus, la psychanalyse repose sur un engagement de la part du patient.

Si ce dernier refuse de s'engager dans le transfert, s'il rejette la dynamique du "Sujet supposé savoir", alors l’analyse ne peut pas fonctionner. Il existe donc des résistances, des obstacles insurmontables, comme la "connerie", qui empêchent le processus analytique de se dérouler pleinement (Vanier, 2013).

Qu'est-ce qui effraie vraiment dans la démarche psychanalytique ?

Peut-être vous êtes-vous déjà demandé ce qui, au fond, rend la psychanalyse si intimidante.

Ce n’est pas seulement le processus en lui-même, mais plutôt ce qu'il promet de révéler.

Imaginez-vous, devant une porte fermée, dont vous savez qu'elle mène aux coins les plus obscurs de votre esprit, là où résident des vérités que vous avez soigneusement enfouies. Cette porte, la psychanalyse vous invite à l'ouvrir, mais elle ne vous dit jamais exactement ce que vous allez trouver de l'autre côté.

Pourquoi alors certaines personnes refusent-elles d'entrer en analyse ?

La réponse se trouve peut-être dans la peur de ce que la psychanalyse pourrait révéler. S'engager dans une analyse, c'est accepter de se confronter à des vérités parfois désagréables sur soi-même. La psychanalyse ne promet pas un confort immédiat ni une solution rapide à la souffrance. Elle ouvre un espace où le sujet doit affronter ses désirs les plus enfouis, ses traumatismes refoulés, ses conflits intérieurs.

Cette confrontation peut être effrayante.

Et c'est parfois cette peur qui conduit au refus de l’analyse. Certains choisissent de rester dans leurs certitudes plutôt que d'affronter cette zone d’inconnu qu'est leur propre inconscient. Ce refus peut s'apparenter à ce que Lacan appelle la "connerie", cette attitude de fermeture qui empêche toute remise en question (Lacan, 2001). La psychanalyse ne peut rien pour ceux qui refusent de savoir.

Faut-il avoir peur de la psychanalyse ?

Si la psychanalyse est exigeante, si elle nécessite une confrontation avec des vérités inconfortables, doit-on en avoir peur ?

La réponse dépend de vous.

Si vous êtes prêt à explorer votre inconscient, à affronter ce que vous avez peut-être refoulé, alors la psychanalyse peut être un outil puissant de découverte de soi. Mais si cette idée vous effraie, si vous préférez rester dans vos certitudes, alors il est possible que la psychanalyse ne vous convienne pas pour l’instant.

Cependant, cette peur, aussi légitime soit-elle, ne devrait pas constituer un frein. La psychanalyse n’est pas un processus destructeur. Elle vise à révéler des vérités sur vous-même, mais dans le but de vous aider à mieux vous comprendre, à mieux vivre avec vos désirs et vos contradictions. Si vous acceptez cette confrontation, vous pourriez découvrir des aspects de vous-même que vous n'aviez jamais soupçonnés, et cela pourrait être profondément libérateur (Vanier, 2013).

En conclusion,

En affirmant que la psychanalyse est un remède contre l'ignorance mais impuissante face à la "connerie", Lacan ne portait aucun jugement moral. Il soulignait simplement que la psychanalyse a des limites. Elle peut dissiper l'ignorance, à condition que le sujet accepte de se confronter à son inconscient. Mais face à la "connerie", cette fermeture volontaire à toute forme de savoir, la psychanalyse est impuissante. Elle ne peut rien pour ceux qui refusent de savoir. Ainsi, la psychanalyse est un outil puissant, mais il appartient à chacun de décider s’il est prêt à se confronter à ce que son inconscient a à révéler.

Références

Lacan, J. (1977). Écrits (A. Sheridan, Trans.). Norton & Company.

Lacan, J. (2001). Autres écrits. Seuil.

Vanier, A. (2013). Introduction à la psychanalyse de Lacan. PUF.

Par Frédérique Korzine,
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