Psychanalyse et psychothérapie : qu'est-ce qui, de la rencontre, guérit ?
20/8/2020

Psychanalyse et psychothérapie, ce qui de la rencontre guérit...

La demande de guérison… est-elle aussi simple qu’on l’imagine ?Dans notre quotidien, lorsqu'un besoin se manifeste, nous y répondons souvent par un acte d'achat simple : entrer dans une boutique, formuler une demande, recevoir le produit, et repartir satisfait. Mais la demande de guérison en psychothérapie, est-elle de la même nature ?

Peut-on la comparer à cet acte trivial d'acquisition d'un bien matériel ? Absolument pas.

La psychothérapie ne fonctionne pas selon les mêmes logiques. Ici, le client, ou plutôt le patient, ne se contente pas de formuler une demande et de recevoir une réponse immédiate.

La relation entre un patient et son psychothérapeute ne se réduit pas à une transaction.

Elle implique un engagement profond de la part du patient, une remise en question personnelle, et surtout un cheminement vers un changement durable. Contrairement à l'attente passive d’un client dans un magasin, le patient en thérapie doit être prêt à transformer ses schémas de pensée, ses émotions, et ses comportements. La guérison en psychothérapie est donc un processus actif et évolutif (Roustang, 2000).

Pourquoi le patient doit-il s’impliquer personnellement dans sa guérison ?

Le point essentiel qui distingue la psychothérapie de toute autre forme d’intervention est que le patient en est l’acteur principal.

La guérison, ou plutôt la transformation, dépend en grande partie de son implication.

Il ne s'agit pas simplement de suivre un traitement médical ou de prendre des médicaments prescrits. La psychothérapie nécessite un effort conscient et constant de la part du patient pour examiner ses pensées, ses émotions, ses réactions, et les comprendre.

Selon Roustang (2000), la guérison en psychothérapie n’est pas la suppression des symptômes, mais plutôt la réinvention d’une manière d’exister dans le monde. Ce changement implique la remise en question des croyances, des habitudes mentales et des défenses psychologiques que le patient a construites au fil du temps. Il ne s'agit pas d'une tâche simple. Le patient doit être prêt à s'engager dans un processus de transformation, qui peut être long et douloureux. Cela nécessite du temps, de la persévérance et une volonté sincère de changer.

Qu'est-ce qui, dans la relation thérapeutique, provoque la guérison ?

Ce qui guérit, ce n’est pas une technique particulière ou un diagnostic que l’on applique. La guérison se produit dans la relation elle-même.

Lorsque le thérapeute entre en relation avec son patient, il ne se contente pas de l’écouter de manière passive.

Ce qu'il perçoit chez l’autre – ses émotions, ses tensions, ses non-dits – il les renvoie, même sans les exprimer verbalement. Il devient un miroir vivant, qui reflète au patient une image de lui-même, souvent différente de celle qu’il avait auparavant.

C’est là que la magie opère.

Le patient commence à se voir sous un nouveau jour. Ce qu’il avait toujours pris pour acquis, ou ce qu’il considérait comme figé, se révèle malléable. Ce processus de découverte de soi est au cœur de la guérison en psychothérapie. Ce n’est pas simplement la disparition d’un mal-être ou d’un symptôme, mais la réinvention d’une manière d’être au monde. Le thérapeute, dans son rôle, aide à faciliter cette réinvention en créant un espace sûr où le patient peut explorer et redécouvrir ses propres capacités à changer.

Roustang (2000) souligne que "le thérapeute, en tant que miroir, ne fait que renvoyer au patient une autre version de lui-même, une version souvent oubliée ou ignorée, mais qui permet de redéfinir son rapport au monde" (p. 45). Cette citation met en lumière l'importance de la relation thérapeutique dans le processus de guérison, en particulier lorsque le patient se redécouvre à travers l'interaction avec son thérapeute.

La liberté intérieure est-elle la finalité de la thérapie ?

L’un des objectifs fondamentaux de la thérapie est de permettre au patient de retrouver sa liberté intérieure.

Mais qu’entend-on par "liberté intérieure" ? Cela ne signifie pas simplement la liberté de faire ce que l'on veut. C’est bien plus subtil. C’est la capacité à s’adapter avec souplesse aux circonstances changeantes de la vie, à affronter les défis sans se laisser paralyser par la peur, le doute ou l’angoisse.

La liberté intérieure, dans le contexte thérapeutique, est cette capacité retrouvée à penser et à agir de manière créative, sans être entravé par des habitudes mentales rigides. C’est la possibilité d’embrasser le changement sans se laisser immobiliser par les traumatismes passés ou les inquiétudes futures. En d'autres termes, c’est une forme de mobilité mentale et émotionnelle, une capacité à être en mouvement, à rester flexible et à accueillir l’inconnu sans crainte.

Pourquoi détourner l’attention du symptôme pour favoriser la guérison ?

La première réaction face à une souffrance psychologique est souvent de vouloir la faire disparaître le plus rapidement possible.

Pourtant, en thérapie, le symptôme est souvent mis entre parenthèses.

Cela peut sembler paradoxal : si le patient vient pour guérir, pourquoi le psychothérapeute détournerait-il son attention de ce qui le fait souffrir ?

Mettre le symptôme de côté est une stratégie qui vise à éviter de réduire la thérapie à une simple suppression des manifestations de la douleur. Si l'on ne traite que le symptôme, le risque est de manquer l'occasion de traiter la cause profonde de la souffrance. En suspendant temporairement l’importance accordée aux symptômes, le thérapeute invite le patient à se concentrer sur des questions plus fondamentales : Qu’est-ce qui, dans ma manière d’être, me maintient dans cette souffrance ? Que puis-je changer en moi pour que cette souffrance ne définisse plus ma vie ?

Cette approche ne signifie pas que le psychothérapeute ignore la douleur du patient.

Au contraire, il reconnaît que la guérison profonde ne se limite pas à la disparition du symptôme, mais qu’elle passe par un changement plus global. En détournant l’attention du symptôme, le psychothérapeute aide le patient à comprendre que la clé du changement est en lui, et qu’il possède la capacité de transformer ce qui le fait souffrir.

Le psychothérapeute peut-il se tromper ?

Dans une relation thérapeutique, l’erreur est inévitable.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le psychothérapeute ne sait pas tout. Il ne possède pas la vérité ultime sur ce qui est bon pour le patient.

C’est une des grandes leçons de la psychothérapie : elle repose sur l’humilité du thérapeute et sur son ouverture à l'erreur. En réalité, la psychothérapie est un processus de tâtonnements, d’essais et d’erreurs, où chaque pas en avant est validé ou invalidé par l’expérience du patient lui-même.

Le thérapeute propose des pistes, des interprétations, des réflexions, mais c’est au patient de les accepter ou de les rejeter en fonction de ce qu’il ressent. Ce dialogue constant entre les propositions du psychothérapeute et les réactions du patient est essentiel. C’est ce qui permet à la psychothérapie de rester vivante et ajustée aux besoins singuliers de chaque individu.

Le thérapeute, en acceptant qu’il peut se tromper, libère le patient du poids des attentes excessives.

Il ne prétend pas détenir les réponses, mais offre un espace de réflexion, de découverte, où le patient peut explorer ses propres solutions. Ainsi, le chemin vers la guérison n’est pas une ligne droite, mais un parcours sinueux où chaque erreur peut mener à une nouvelle compréhension de soi.

La rencontre entre le thérapeute et le patient est-elle une relation comme les autres ?

La relation thérapeutique n’est pas une relation ordinaire.

Elle ne se fonde pas sur les mêmes bases que les autres relations sociales ou professionnelles.

Ici, il n’y a pas d’attente de réciprocité, pas d’obligation de donner ou de recevoir en retour. C’est une rencontre profondément humaine, mais marquée par une asymétrie essentielle :

le patient vient avec sa souffrance, son désir de changer, tandis que le psychothérapeute offre sa présence, son écoute, sans attente particulière.

Cette rencontre se distingue également par l’absence de jugement. Le thérapeute, dans sa posture, doit être dépouillé de toute idée préconçue, de tout diagnostic prémâché. Il ne doit pas projeter sur le patient ses propres croyances, ses propres attentes. Il est là pour accueillir l’autre dans toute sa complexité, pour recevoir ce que l’autre est prêt à offrir, même si cela semble insignifiant. C’est dans cette ouverture inconditionnelle que la transformation peut s’opérer.

Le psychothérapeute perçoit non seulement les mots prononcés, mais aussi tout ce qui n'est pas dit : les silences, les gestes, les émotions non exprimées. Il reçoit tout cela, sans jugement, sans intention particulière, et cela permet au patient de se sentir pleinement vu et entendu. Cette reconnaissance de l’existence de l’autre, dans sa totalité, est un des éléments clés du processus thérapeutique.

Comment la guérison émerge-t-elle de cette rencontre ?

En fin de compte, c’est dans la relation elle-même que la guérison se manifeste.

La thérapie n’est pas une technique que l’on applique de manière mécanique.

C’est une création continue, une co-construction entre le patient et le thérapeute. Ensemble, ils tissent une relation unique, où chacun découvre quelque chose de nouveau.

Pour le patient, cette relation devient un espace où il peut explorer, se découvrir, et surtout se transformer. La guérison n’est pas une destination fixe, mais un cheminement, un mouvement constant vers une meilleure compréhension de soi et une plus grande liberté intérieure.

En résumé, la guérison en thérapie ne se résume pas à la suppression des symptômes ou à l'application d'une technique. Elle émerge de la relation entre le patient et le thérapeute, de la découverte mutuelle et de la transformation personnelle qui en découle.

Références

Roustang, F. (2000). La fin de la plainte. Paris : Odile Jacob.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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