Burn-out parental, comment réconcilier soin de soi et engagement familial ?
27/11/2024

Burn-out parental : Réconcilier soin de soi et engagement familial

Le burn-out parental est une souffrance où se croisent des dimensions individuelles et familiales, conscientes et inconscientes. En s’appuyant sur les perspectives de la psychanalyse familiale, nous pouvons interroger les tensions psychiques qui empêchent le parent de prendre soin de lui. Pourquoi ce besoin de se recentrer semble-t-il incompatible avec le rôle parental ? Comment ces empêchements révèlent-ils des alliances inconscientes et des logiques de sacrifice, mais aussi des enjeux de désir et de manque ?

Le burn-out parental : entre idéal et faillibilité

Être parent aujourd’hui est souvent vécu comme une mission totalisante, empreinte d’exigences élevées et parfois irréalistes.

Cet idéal parental moderne – être attentif, patient, bienveillant et toujours disponible – exerce une pression énorme.

Un tel idéal relève de la construction imaginaire : il cherche à masquer le manque structurel inhérent à toute relation humaine. Or, le burn-out parental survient précisément lorsque cet idéal bute contre son impossible : celui de satisfaire pleinement les besoins de l’enfant tout en restant soi-même.

La psychanalyse familiale nous invite à voir dans cet épuisement le symptôme d’un déséquilibre dans les alliances inconscientes qui structurent la famille.

Dans le groupe familial, chaque membre joue un rôle dans le maintien de l’équilibre psychique collectif, souvent au prix de concessions personnelles. Le parent en burn-out peut alors être vu comme celui qui, sans toujours en avoir conscience, a accepté un mandat implicite : celui de tout contenir, de porter les angoisses et les attentes des autres, sans faille apparente.

Ce rôle, bien qu'invisible, est lourd de conséquences.

Les alliances inconscientes et leur poids

Pour Kaës, les groupes – dont la famille est un exemple central – fonctionnent à travers des contrats psychiques implicites, des alliances inconscientes qui organisent la répartition des fonctions et des responsabilités entre ses membres. Ces contrats sont transgénérationnels : ils s’inscrivent dans une histoire familiale où chaque génération transmet des attentes, des dettes ou des interdits.

Dans le burn-out parental, le parent est souvent piégé par une alliance où il doit se sacrifier pour le bien des autres.

Ce sacrifice répond parfois à des loyautés inconscientes, liées à des transmissions familiales tacites : « Dans notre famille, les parents donnent tout », ou « Il ne faut jamais montrer de faiblesse devant les enfants. » Ces pactes invisibles pèsent d’autant plus lourd qu’ils ne sont pas toujours explicités, laissant peu de place à la remise en question.

Lacan éclaire cette dynamique sous un autre angle. Dans son approche, l’enfant peut occuper la place d’un objet du fantasme parental, une tentative de combler le manque du parent lui-même. Ce dernier, en investissant l’enfant de ses propres attentes inconscientes, risque de s’oublier au profit de cet Autre qu’il veut combler. Cependant, comme le rappelle la psychanalyse, aucune relation ne peut pleinement satisfaire ou combler les manques structurels.

Ce malentendu fondamental est au cœur de l’épuisement parental.

L’échec de la fonction contenante

En approche psychanalytique familiale, la fonction contenante est essentielle dans les relations parent-enfant.

Le parent joue un rôle de contenant pour les angoisses, les désirs et les conflits de l’enfant, permettant ainsi à celui-ci de se structurer psychiquement. Mais cette fonction repose sur une condition clé : que le parent lui-même soit soutenu par des contenants externes, qu’ils soient sociaux (amis, réseaux familiaux) ou psychiques (espace pour soi, reconnaissance).

Dans le burn-out parental, cette fonction contenante s’effondre.

Le parent débordé n’a plus les ressources pour assumer les attentes de ses enfants, car il est lui-même submergé. Ce débordement est souvent lié à des asymétries dans la dynamique familiale : un parent assume une charge disproportionnée, tandis que l’autre ou les autres membres du groupe n’équilibrent pas suffisamment cette responsabilité.

À ce stade, la souffrance parentale dépasse le cadre individuel. Elle devient un symptôme du groupe familial tout entier, un signal que les alliances inconscientes doivent être réévaluées. Mais cette réévaluation est difficile, car elle implique de rompre avec des loyautés anciennes et de renégocier sa place dans le groupe.

Le soin de soi comme acte transgressif

Prendre soin de soi, pour un parent en burn-out, est souvent vécu comme une transgression.

Pourquoi ? Parce que cela remet en cause les pactes invisibles qui lient le parent à sa famille. Pour Lacan, cette difficulté peut s’expliquer par la jouissance paradoxale que procure le sacrifice de soi : une satisfaction masochiste liée à l’accomplissement des attentes de l’Autre. Le parent épuisé reste pris dans cette dynamique, incapable de s’autoriser à poser des limites.

Kaës, quant à lui, souligne l’importance des interdits et des dettes transgénérationnelles dans cette résistance. L’idée que « se retirer » ou « penser à soi » serait une forme de trahison ou de désengagement découle souvent de transmissions familiales où le sacrifice parental est glorifié.

Rompre avec ces loyautés demande un travail psychique profond : il s’agit de reconnaître que prendre soin de soi n’est pas une fuite, mais une condition nécessaire pour soutenir les autres.

4 clés pour sortir de l’impasse et rééquilibrer les alliances

La psychanalyse offre des pistes pour penser la sortie du burn-out parental, non pas comme un simple répit temporaire, mais comme une transformation profonde des dynamiques inconscientes. Quelques étapes peuvent aider dans ce processus :

  • Identifier les transmissions familiales : Quelles attentes ou obligations tacites avez-vous héritées de vos parents ou grands-parents ? Ces injonctions sont-elles encore pertinentes aujourd’hui ?
  • Redistribuer les responsabilités : La famille est un groupe, et son équilibre ne peut reposer sur une seule personne. Redéfinir les rôles et partager les charges est essentiel pour éviter les asymétries destructrices.
  • Renégocier les pactes inconscients : Cela peut passer par un travail thérapeutique, qui aide à revisiter les alliances silencieuses et à poser de nouvelles bases pour les relations familiales.
  • Réinscrire votre propre désir : Comme le rappelle Lacan, « le désir du sujet est le désir de l’Autre ». Réapprendre à désirer pour soi-même, sans culpabilité, est une étape clé pour sortir de l’effacement de soi.

Une parentalité réinventée

Le burn-out parental, bien qu’extrêmement douloureux, peut être une opportunité de transformation.

En interrogeant les pactes inconscients qui sous-tendent la dynamique familiale, le parent peut se libérer des injonctions sacrificielles et redéfinir sa place dans le groupe.

Cette transformation demande courage et responsabilité.

Elle passe par l’acceptation que le manque est constitutif de toute relation et que prendre soin de soi est une manière de redonner à l’Autre sa juste place, sans surinvestissement. Oser s’occuper de soi, c’est aussi offrir à ses enfants un modèle où l’humain, dans son imperfection, trouve un équilibre entre le soin de soi et l’attention aux autres.

C’est dans cet équilibre, fragile mais vivant, que la famille peut se redécouvrir comme un espace de liberté psychique et d’épanouissement partagé.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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