Que se passe-t-il dans le cœur d’un enfant quand un beau-parent arrive ? Imaginez un instant… Votre monde, vos repères, vos habitudes se fissurent. Vous êtes enfant, et du jour au lendemain, un "étranger" vient partager ce qui vous est le plus cher : votre famille.
On parle souvent des parents qui se remettent en couple, mais qu'en est-il de ces enfants qui, soudain, doivent faire une place à quelqu'un qu'ils n'ont jamais choisi ?
Les études montrent que cette étape est bien souvent marquée par une tempête d’émotions contradictoires : la peur, l’incompréhension, la tristesse, et parfois, la colère. Comment ne pas se sentir déraciné quand tout ce qu'on connaissait change ? L’enfant, surtout s'il a traversé une séparation difficile, peut voir l’arrivée du beau-parent comme une menace directe à son équilibre. « Il prend la place de papa, ou de maman », se disent-ils, souvent en silence.
Mais chez les enfants de familles recomposées, c’est parfois plus insidieux. Ce sentiment, que l’on peut appeler jalousie, est souvent bien plus profond qu'une simple envie. Pour l’enfant, c’est la peur de perdre l'exclusivité de l'amour de son parent, de devoir partager ce lien si précieux qui existait avant la séparation.
Pour beaucoup, l’arrivée d’un beau-parent réveille des craintes enfouies : "M'aime-t-il encore autant qu’avant ?" "Et si je passais au second plan ?" Ces questions, bien que rarement exprimées à haute voix, rongent certains enfants et les laissent avec un sentiment d’insécurité émotionnelle. Ils redoutent que leur parent ne soit plus autant disponible pour eux, que cet amour, qu’ils pensaient éternel et inaltérable, soit soudain dilué.
La psychologue Guérin (2019) souligne que cette rivalité est, en fait, une lutte pour préserver l'essentiel : le lien parent-enfant. « L'enfant ne rivalise pas seulement avec le nouveau conjoint, mais avec une nouvelle organisation familiale dans laquelle il doit se redéfinir. » Une place à trouver dans ce chaos.
Imaginez que, du jour au lendemain, quelqu’un emménage chez vous. Votre maison, vos repères, vos rituels… tout est bousculé. Dans une famille recomposée, c’est exactement ce que vivent beaucoup d’enfants : l'arrivée d’un "étranger" qui envahit leur espace, leur intimité, leur quotidien.
On leur annonce parfois les choses, parfois non. Mais même quand on leur explique la situation, il est difficile pour eux de comprendre cette nouvelle donne. L’enfant peut alors se sentir dépassé, impuissant, face à cette intrusion qu'il n'a ni voulue, ni anticipée. Et comment pourrait-il accepter un nouveau venu alors qu'il rêve encore, secrètement, de revoir ses parents se remettre ensemble ?
Bernier (2020) rappelle que, pour certains enfants, accepter ce nouvel adulte dans leur vie peut être perçu comme une forme de trahison envers l'autre parent, celui qui n'est plus là. Ce sentiment de culpabilité s'ajoute alors à la confusion déjà présente, créant une tempête émotionnelle encore plus difficile à gérer.
L’une des plus grandes peurs des enfants en famille recomposée, c’est celle de voir leur relation avec leur parent biologique changer. Ce parent, qui était leur pilier, leur refuge, se retrouve soudain pris dans une nouvelle relation amoureuse. L’enfant, qui avait peut-être l’habitude d’avoir tout l'amour et toute l'attention de ce parent, se retrouve à partager ce trésor avec une nouvelle personne.
Il n’est pas rare que certains enfants se sentent délaissés, oubliés, face à ce partage d’affection. Même si, objectivement, le parent continue de s’occuper de son enfant, la perception de l'enfant peut être tout autre. « Avant, c’était moi et toi. Maintenant, c’est toi, lui et moi », cette phrase résonne dans le cœur de nombreux enfants confrontés à l'arrivée d’un beau-parent. Pour eux, cette réorganisation du "nous" est difficile à accepter, et parfois à comprendre.
Morin (2021) note que, si le parent n'est pas attentif à ces signes, la relation parent-enfant peut s'éroder, laissant place à un vide, à une distance affective que l'enfant cherchera à combler par d'autres moyens. Parfois, cela peut passer par des crises de colère, parfois par une fermeture émotionnelle totale.
N’ayant pas encore les mots ou les capacités émotionnelles pour exprimer ce qu’ils ressentent, ils agissent souvent par des comportements régressifs : ils redemandent des gestes d’attention qu’ils ne sollicitaient plus auparavant, pleurent pour un rien, réclament constamment les bras du parent. Ces comportements peuvent paraître anodins, mais ils traduisent souvent un besoin urgent de réassurance.
Ils ne comprennent pas pourquoi leur parent doit soudain partager son temps et son attention avec cette nouvelle personne. Leur monde, centré autour du parent, est ébranlé. Ce sentiment de rivalité est donc particulièrement fort chez eux, même si cela peut aussi concerner les enfants plus âgés, qui expriment leurs émotions différemment.
Certains semblent accepter la situation, se plient aux nouvelles règles, et ne montrent aucun signe de rébellion. Mais derrière ce calme apparent, de nombreuses émotions peuvent se cacher. Il n’est pas rare que des enfants intériorisent leur malaise, préférant ne rien dire pour ne pas "déranger" leur parent ou par peur de décevoir.
Dans ces cas-là, l’enfant peut adopter une attitude silencieuse, mais ressentir une tristesse profonde, une perte de repères qu’il n’ose exprimer. Ce silence est souvent trompeur et peut masquer une grande souffrance. Comme le rappelle Lefebvre (2017), certains enfants préfèrent "encaisser" les changements, espérant secrètement que la situation s’améliorera avec le temps, ou que leur parent reviendra à eux, comme avant. Mais ce silence est souvent lourd de conséquences.
Au-delà de la jalousie ou de la peur, c’est tout un cocktail d’émotions contradictoires qui bouillonne en lui. Tristesse, confusion, colère, espoir… tout cela coexiste, se heurte, et parfois éclate de manière inattendue. Certains jours, l’enfant peut se montrer distant, froid, voire hostile. D’autres jours, il semblera plus serein, acceptant la présence du nouveau conjoint sans résistance apparente.
Ce tourbillon émotionnel est difficile à gérer pour un enfant qui, bien souvent, ne sait pas comment l’exprimer. Il navigue entre l’envie de préserver le lien avec son parent et la difficulté à accepter ce qu’il perçoit comme une nouvelle menace à son bien-être familial.
Morin (2021) souligne que « chaque enfant vit la recomposition familiale différemment, mais tous traversent, à des degrés divers, une période d’adaptation émotionnelle intense ». Les émotions contradictoires façonnent leur quotidien, et il n'est pas toujours facile pour eux de trouver un équilibre dans cette nouvelle dynamique familiale.
Entre jalousie, rivalité affective, peur de perdre leur parent et incompréhension face à cette nouvelle situation, les émotions se bousculent et se mélangent. Cette tempête intérieure peut parfois les amener à exprimer leur malaise de manière ouverte, mais bien souvent, ce sont les signes les plus discrets, les plus silencieux, qui trahissent leur mal-être.
En comprenant ces enjeux, en prenant conscience de l'impact de cette transition sur le monde émotionnel des enfants, il est possible de mieux appréhender les tensions et les conflits qui peuvent émerger dans une famille recomposée.