Le harcèlement au travail, qu'il soit moral ou sexuel, reste une réalité destructrice pour de nombreux salariés. Comment distinguer un comportement inapproprié d'un véritable harcèlement ? Identifier ces actes répétitifs et leurs impacts peut aider à comprendre et prévenir ces situations, qui fragilisent tant le bien-être individuel que le climat de travail.
Au-delà des impacts immédiats sur les relations professionnelles et la productivité, le harcèlement moral professionnel a des effets profonds sur la santé mentale et le bien-être psychologique des victimes. Alors, quels sont les mécanismes et manifestations psychologiques de ce phénomène dévastateur et comment faire face ?
Le harcèlement professionnel, ou harcèlement moral au travail, se définit par une série d'actes ou comportements répétés visant à déstabiliser, isoler ou abaisser un individu dans son environnement professionnel. Comme l'a précisé Leymann (1996) dans ses études fondatrices, le harcèlement au travail constitue une « violence psychologique chronique » qui prend racine dans la dynamique sociale du lieu de travail.
Les actions associées au harcèlement peuvent sembler anodines si elles sont prises isolément :
Cependant, répétées et cumulées, elles constituent une attaque progressive contre la dignité de la personne et son intégrité psychologique.
Reconnaître le harcèlement peut être difficile, tant pour la victime que pour son entourage, en raison de la subtilité de certains comportements. De plus, comme l'explique Hirigoyen (1998), « la nature insidieuse de la violence psychologique au travail rend le harcèlement souvent invisible aux yeux des autres ».
Dans les études francophones récentes, les chercheurs ont constaté que les victimes de harcèlement au travail peuvent présenter une série de symptômes, allant de l’anxiété à la dépression, en passant par le trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Parmi les manifestations psychologiques les plus fréquentes, on retrouve :
Les symptômes associés à ces expériences sont souvent sous-estimés par l’entourage de la victime, ce qui peut isoler davantage la personne touchée. Dans les cas extrêmes, cette accumulation de stress et de fatigue émotionnelle peut mener au burn-out, une forme d’épuisement professionnel grave nécessitant une prise en charge spécifique.
En effet, la souffrance éprouvée sur le lieu de travail peut se traduire par une détérioration de la communication et de l’harmonie au sein du foyer, conduisant parfois à un isolement accru. Le harcèlement au travail crée un effet de « contagion » émotionnelle qui impacte les proches de la victime.
La peur, l’épuisement et l’anxiété ressentis peuvent nuire à la capacité de la victime de profiter de moments de détente avec sa famille ou ses amis. Certaines victimes adoptent des comportements d’évitement pour fuir les questions, ce qui les isole progressivement. Dans les situations les plus graves, les relations de couple et les liens familiaux peuvent en souffrir durablement, renforçant le sentiment de solitude.
Des études récentes en psychologie du travail ont mis en lumière le risque élevé de troubles anxieux et dépressifs à long terme chez les victimes de harcèlement professionnel (Baillien et al., 2014). En particulier, les cas de TSPT liés à des épisodes de harcèlement sont de plus en plus reconnus.
Le trouble de stress post-traumatique, initialement associé aux événements militaires et aux catastrophes, est désormais fréquemment observé chez les personnes ayant vécu un harcèlement professionnel sévère. Ces individus peuvent revivre l’expérience traumatique par
Cette condition entrave leur capacité à retrouver une stabilité émotionnelle, même après leur sortie du contexte de travail.
Pour certains, ces séquelles deviennent permanentes et exigent une prise en charge thérapeutique intensive. En effet, comme le soulignent Dumont et Frenette (2016), « le trauma lié au harcèlement au travail peut altérer profondément et durablement la qualité de vie des victimes ».
Les individus les plus vulnérables au harcèlement sont ceux qui occupent des postes précaires, ou des fonctions à haute exigence psychologique (Labrèche et al., 2017). Les femmes, les jeunes employés et les travailleurs issus de minorités culturelles apparaissent également plus souvent touchés par ce phénomène.
La perception d’une différence, qu’elle soit liée à l’âge, au genre, à l’ethnicité ou à l’orientation sexuelle, peut être exploitée par les harceleurs pour justifier des comportements dégradants. Les recherches indiquent que ces groupes peuvent faire face à une pression accrue, favorisant leur isolement et leur vulnérabilité aux attaques psychologiques.
Les structures professionnelles ne disposent pas toujours de moyens efficaces pour identifier ou sanctionner les comportements de harcèlement, et les victimes craignent souvent des représailles ou la perte de leur emploi si elles dénoncent leur situation.
Les témoins du harcèlement, bien que parfois conscients des comportements inappropriés, hésitent à intervenir par peur de devenir eux-mêmes des cibles ou d’être perçus comme « perturbateurs ». Cette culture du silence est particulièrement bien décrite par Hirigoyen (1998) dans son ouvrage sur la violence psychologique, où elle explique : « Le harcèlement prospère là où règnent l’indifférence et la crainte ».
Le harceleur peut agir par projection, attribuant à la victime ses propres insécurités, frustrations ou sentiments d’infériorité. Cette dynamique, si elle n'est pas maîtrisée, peut mener à une escalade où la souffrance de la victime devient le moyen pour le harceleur de canaliser ses conflits internes.
Le concept de « transfert » joue ici un rôle intéressant. Selon Lacan (1959), la relation entre l’agresseur et la victime repose souvent sur des projections inconscientes. Le harceleur perçoit chez sa cible un miroir de ses propres vulnérabilités, qu’il cherche à contrôler en imposant une relation de domination.
Le travail n’est pas seulement une source de revenus, mais aussi un moyen de construire et d’affirmer son identité personnelle. Le harcèlement, en sapant cette base, génère des blessures identitaires profondes qui sont difficiles à réparer.
En conclusion, le harcèlement professionnel est un fléau aux conséquences dévastatrices pour la santé mentale des individus qui en sont victimes.
Ses effets sur la dignité, la confiance en soi et les relations interpersonnelles s’étendent bien au-delà du cadre du travail. Face à cette réalité, il est essentiel de prendre conscience de l'impact psychologique du harcèlement et d’ouvrir un dialogue empathique pour mieux comprendre et accompagner ceux qui en souffrent. Comme le rappelait Hirigoyen, « la violence psychologique laisse des cicatrices invisibles, mais tout aussi réelles ».
Pour différencier hypersensibilité et harcèlement, observez la régularité et l'intention des actes. Le harcèlement se manifeste par des comportements répétés et intentionnels visant à dégrader ou isoler. L’hypersensibilité peut intensifier la perception de certains actes, mais si les agissements sont constants et humiliants, il est probable qu’il s’agisse de harcèlement, non d’une simple réaction sensible.
Les témoins jouent un rôle essentiel pour identifier et dénoncer le harcèlement. En offrant un soutien moral et en alertant les ressources humaines, ils peuvent aider à légitimer la situation et à protéger la victime. En parlant, ils empêchent que le harcèlement se normalise et offrent des preuves précieuses qui contribuent à valider les témoignages de la victime.
Oui, le télétravail peut favoriser le harcèlement par des moyens digitaux : messages rabaissants, surveillance constante, réunions oppressantes ou surcharge de tâches. Bien que le cadre soit virtuel, l’impact psychologique demeure réel, souvent accentué par l’isolement. Le harcèlement en télétravail s’inscrit dans des formes modernes et insidieuses qui nécessitent une vigilance accrue de l’employeur.
Le conflit de personnalité survient généralement de façon ponctuelle et reflète des divergences d’opinions ou de style, sans intention de nuire. En revanche, le harcèlement moral implique des comportements répétés visant à déstabiliser ou humilier une personne. Le conflit peut se résoudre par le dialogue, alors que le harcèlement impose des actions protectrices pour la victime.
Oui, le harcèlement « ascendant » touche certains supérieurs hiérarchiques. Ce type de harcèlement se manifeste par des critiques excessives, des sabotages professionnels ou des comportements irrespectueux des subordonnés. Bien que moins fréquent, il met le supérieur en position de fragilité, face à des attaques qui visent à miner son autorité et son efficacité, créant un climat de travail hostile pour lui.
Le harcèlement moral au travail se caractérise par des comportements répétés visant à dégrader psychologiquement la victime, par l’intimidation, la dévalorisation ou l’isolement. Le harcèlement sexuel, quant à lui, implique des comportements, propos ou gestes à connotation sexuelle, non désirés et susceptibles d’humilier ou d’intimider la personne visée. Bien que les deux types de harcèlement soient destructeurs, leurs manifestations et motivations diffèrent : le harcèlement moral vise principalement le contrôle psychologique, tandis que le harcèlement sexuel exploite une dimension d’abus sexuel ou de pouvoir.
Certaines actions, bien que désagréables, ne constituent pas du harcèlement moral. Par exemple, les critiques constructives, les demandes de performance raisonnables et les retours ponctuels sur la qualité du travail ne sont pas du harcèlement s’ils sont justifiés et exempts d’intention de nuire. De même, un désaccord professionnel ou une décision défavorable prise de manière équitable ne constitue pas du harcèlement. Pour être qualifié de harcèlement moral, le comportement doit être répété, ciblé, et visiblement hostile envers la victime.