La justice familiale est souvent accusée de favoriser les mères dans l’attribution de la garde des enfants après une séparation. Certains pères dénoncent un système qui les relègue à un rôle secondaire, tandis que d’autres estiment que cette asymétrie est le simple reflet d’une organisation familiale qui existait déjà avant la rupture. Mais derrière ces constats, quelle est la part des représentations inconscientes qui influencent ces décisions ? Le droit de la famille, loin d’être une simple question légale, s’ancre dans une symbolique du maternel et du paternel, façonnée par l’histoire, la culture et les structures psychiques de chacun. La justice familiale, en tant qu’institution, reflète et parfois perpétue ces imaginaires collectifs sur la parentalité et les rôles de chacun après une séparation.
Avec l’évolution des mentalités et les transformations sociétales, notamment l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et l’affirmation de leur rôle parental autonome, la justice familiale a progressivement adopté un raisonnement inverse : la mère est devenue le parent référent par défaut, sous l’argument de la stabilité affective et de la continuité éducative.
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Ce renversement s’est fait dans un contexte où la revendication des droits des femmes prenait de l’ampleur, notamment face aux injustices d’un système qui, jusque-là, leur retirait parfois la garde de leurs propres enfants. Ainsi, ce qui pouvait apparaître comme une réparation d’une inégalité historique a progressivement créé une nouvelle asymétrie, cette fois en défaveur des pères.
Cette distinction, profondément ancrée dans l’inconscient collectif, a façonné les décisions judiciaires. Le besoin de stabilité pour l’enfant a longtemps été interprété comme un besoin de continuité avec la mère, reléguant ainsi le père à un rôle de parent secondaire, surtout lorsqu’il ne s’était pas investi pleinement dans la charge quotidienne avant la séparation.
Cependant, ce modèle ne correspond plus à la réalité contemporaine où de nombreux pères sont impliqués dans l’éducation dès la petite enfance. Malgré cela, la justice familiale continue souvent à privilégier un schéma où l’enfant reste principalement avec la mère, reproduisant une conception archaïque de la parentalité.
Dans certains cas, l’un des parents peut mobiliser des stratégies d’emprise psychique pour maintenir un ascendant sur l’autre, parfois jusqu’à l’aliénation parentale. Le risque est alors que l’enfant se retrouve pris dans un conflit de loyauté, contraint d’adopter une posture de rejet vis-à-vis de l’un des parents pour satisfaire l’autre.
Dans l’inconscient collectif, le père continue d’être perçu comme celui qui "part", celui qui reste en marge de la cellule familiale une fois la séparation actée.
Cette perception, intégrée inconsciemment par les magistrats, les travailleurs sociaux et parfois même par les pères eux-mêmes, peut influencer les décisions judiciaires, sans même que cela soit explicitement formulé.
Non pas par une volonté délibérée de discriminer les hommes, mais parce que le récit dominant de la violence conjugale est encore massivement associé à une violence masculine sur une victime féminine.
De la même manière, un père qui réclame la garde exclusive sera souvent perçu comme un homme cherchant à nuire à son ex-conjointe, tandis qu’une mère qui en fait la demande apparaîtra comme une figure de protection et de stabilité. Ces biais ne sont pas consciemment sexistes, mais ils sont ancrés dans une logique où la mère demeure le pivot central de la parentalité.
Lorsque la justice familiale a basculé d’un modèle patriarcal, où le père obtenait quasi-systématiquement la garde, à un modèle où la mère est devenue la figure parentale principale, on peut s’interroger sur ce que devient cette fonction symbolique du Nom-du-Père dans la construction psychique de l’enfant.
Mais lorsque la séparation est marquée par un conflit, par une mise à l’écart du père ou par un effacement progressif de sa présence, cette fonction peut être fragilisée, et l’enfant peut rester dans une relation fusionnelle prolongée avec la mère, sans limite structurante claire.
Dans certains cas, d’autres figures peuvent venir occuper cette place : un beau-père, un enseignant, un grand-parent… Mais lorsque l’enfant n’a aucun repère tiers stable, il peut éprouver une difficulté dans la construction de sa propre subjectivité, restant dans une forme d’indétermination du désir et de la loi.
La question devient alors : le Nom-du-Père est-il simplement déplacé, ou bien sommes-nous face à une carence symbolique qui affecte la structuration psychique des générations futures ?
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L’enjeu ne serait donc pas de revenir à une hégémonie paternelle, mais de s’assurer que la réorganisation familiale post-séparation n’entraîne pas une dévalorisation de la fonction paternelle en tant que tiers séparateur.
Ainsi, plutôt que de poser la question en termes de pères lésés ou de mères favorisées, il conviendrait peut-être de réinterroger les décisions judiciaires à l’aune de la transmission du Nom-du-Père, et de voir comment cette fonction peut être préservée, quel que soit le mode de garde choisi.
Ne plus voir son père régulièrement peut créer une difficulté d’identification, notamment chez les garçons. La fonction paternelle étant associée à la transmission de la loi et à l’autonomisation, son absence peut générer un sentiment de vide, voire une confusion des rôles.
Chez les filles, une relation appauvrie avec le père peut impacter la construction de l’image de l’homme, et parfois réactiver des angoisses d’abandon qui peuvent influencer leurs choix relationnels plus tard.
La question à se poser est alors : l’enfant est-il réellement mieux protégé lorsque la figure paternelle est reléguée à un rôle secondaire ?
Le défi reste de trouver un équilibre entre l’intérêt de l’enfant, la reconnaissance des deux parents, et la prise en compte des réalités affectives et matérielles de chaque situation.
Si la justice familiale donne encore parfois l’impression d’être biaisée en faveur des mères, c’est peut-être parce qu’elle reflète des structures symboliques qui ont longtemps gouverné notre conception du couple et de la parentalité.
La véritable transformation ne passera pas uniquement par des réformes législatives, mais aussi par un changement de regard sur la place du père dans la société, et par une prise de conscience des enjeux inconscients qui influencent encore les décisions de justice.
En d’autres termes : la justice familiale changera réellement lorsque la société, dans son ensemble, reconnaîtra pleinement que l’amour et la protection d’un enfant ne sont pas une question de genre, mais une question de présence et de responsabilité.
Lorsqu’un père se voit attribuer un rôle secondaire dans la vie de son enfant, il peut ressentir une atteinte à son identité paternelle, comme s’il n’était plus reconnu en tant que figure essentielle. Cette situation ravive souvent des blessures archaïques, liées à l’abandon, au rejet ou à l’injustice.
Le sentiment d’impuissance face aux décisions judiciaires peut aussi réactiver une blessure de castration, une impression d’être dépossédé de son autorité et de sa légitimité. La colère, la frustration ou la tristesse qui en découlent ne sont pas seulement liées aux aspects matériels (temps de garde, pension), mais à un sentiment profond de dévalorisation et de déclassement symbolique.
Le sentiment d’être disqualifié par la mère ou par la justice peut amener certains hommes à intérioriser une position de retrait, comme s’ils n’avaient plus de rôle à jouer.
Chez certains, ce repli est un mécanisme de défense contre la douleur : plutôt que d’affronter la frustration, mieux vaut prendre ses distances pour ne pas souffrir davantage.
D’autres ont grandi avec l’image du père absent ou effacé, et rejouent inconsciemment ce schéma. Ils peuvent se convaincre que l’enfant sera "mieux" avec sa mère, non pas sur des critères objectifs, mais parce que leur propre histoire familiale a inscrit en eux une perception inégale des rôles parentaux.
Là où certains pères luttent pour maintenir le lien, d’autres se heurtent à une forme d’exclusion progressive, que ce soit par des obstacles concrets (refus de communication, dévalorisation du père dans le discours maternel) ou par un phénomène plus insidieux de distanciation affective.
L’enfant, s’il perçoit que le père souffre ou qu’il est systématiquement mis en position d’échec, peut finir par ne plus oser manifester son attachement, par crainte d’entrer en conflit avec le parent chez qui il vit. La relation peut alors s’étioler, non par désamour, mais par impossibilité de la faire exister sans douleur.
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Il est essentiel, dans ces situations, de ne pas entrer dans un rapport de force, mais de maintenir une présence, même discrète, pour laisser la porte ouverte au lien.
Un homme qui, enfant, a vécu une séparation douloureuse avec l’un de ses propres parents, qui a souffert d’un manque de reconnaissance affective, ou qui a grandi avec un sentiment de rejet ou de mise à l’écart, peut revivre ces traumas archaïques au moment où il perd du temps avec son enfant.
Dans ces cas, la souffrance dépasse largement la question juridique. Ce n’est pas seulement l’enfant qui s’éloigne, c’est une blessure non cicatrisée qui se rouvre. La prise de conscience de cette résonance avec son propre passé est une étape clé pour éviter de s’effondrer ou de se retirer définitivement.
Lorsque la justice officialise un écart de présence entre les parents, elle peut, sans le vouloir, créer un déséquilibre symbolique qui influence la manière dont l’enfant perçoit chacun de ses parents.
Le regard que la société pose sur la séparation influence donc non seulement le quotidien de l’enfant, mais aussi son organisation psychique, en inscrivant un modèle familial qui servira de base à ses propres relations futures.
Si le père est progressivement marginalisé après une séparation, il est légitime de se demander qui ou quoi remplit cette fonction séparatrice.
Le défi contemporain est donc d’assurer la transmission du Nom-du-Père, même dans des configurations familiales où la présence paternelle est réduite.