Bienvenue dans Lacan ? Fastoche ! Aujourd’hui, nous nous attaquons à un mot aussi loufoque que génial : le déconnographe. Inventé par Lacan dans L’Identification (Séminaire IX, 1961-1962), ce néologisme pourrait être une simple blague, mais chez Lacan, rien n’est jamais gratuit. Alors, qu’est-ce que ce déconnographe ? Un artiste du délire ? Un faussaire du langage ? Un simple provocateur ? Peut-être tout ça à la fois. Suivez-moi dans cette exploration où nous verrons comment ce concept apparemment farfelu touche à l’essence même de la psychanalyse.
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Le terme surgit alors que Lacan commente Le Banquet de Platon. Plus précisément, il s’attarde sur le discours d’Agathon, ce poète un peu trop brillant qui parle de l’amour avec des envolées lyriques et des images sophistiquées. Un vrai feu d’artifice rhétorique ! Mais voilà le problème : toute cette beauté langagière ne dit… rien. C’est joli, c’est envoûtant, mais c’est du flan.
Et c’est précisément là que Lacan sort son scalpel linguistique et nous balance son fameux déconnographe. Il qualifie ainsi Agathon de « pur esprit », celui qui manie le langage avec virtuosité mais sans jamais toucher au réel du désir. Il parle de l’amour, mais jamais depuis son manque, jamais depuis ce qui le fonde vraiment.
Vous cherchez le passage exact où Lacan dégaine son néologisme ? Le voilà :
« Sans doute avez-vous pu retenir l’ironie implicitement contenue en ceci, qui n’est pas caché dans le texte, c’est que celui que SOCRATE désire sur l’heure, pour la beauté de la démonstration, c’est AGATHON. Autrement dit le déconnographe, le pur esprit, celui qui parle de l’amour d’une façon telle... comme on doit sans doute en parler, en le comparant à la paix des flots, sur le ton franchement comique, mais sans le faire exprès, et même sans s’en apercevoir. » (Le Séminaire IX : L’Identification)
Socrate, lui, fait tout le contraire : il dégonfle les illusions, il coupe court aux belles paroles pour pointer ce qui cloche, ce qui manque, ce qui dérange. Il ne se laisse pas hypnotiser par le verbe. Agathon, en revanche, est le prototype du déconnographe : un expert en effets de langage qui produit une illusion de savoir, un enrobage élégant qui évite soigneusement d’aller là où ça pique.
Si on devait résumer :
Ce concept s'inscrit donc dans la critique lacanienne du langage comme piège : s’il tourne à vide, s’il ne touche pas au manque, il devient un écran de fumée qui éloigne le sujet de la vérité de son désir.
Le déconnographe, c’est donc celui qui fabrique du savoir en trompe-l’œil. Il produit du faux sens enrobé d’une belle forme, comme ces peintures en trompe-l'œil qui imitent la réalité sans jamais être réelles.
Ce n’est pas tant un menteur qu’un illusionniste du langage, un as du verbe qui parle pour parler. Et devinez quoi ? Vous en croisez partout.
Nous sommes cernés par des déconnographes. Mais Lacan nous donne ici l’outil pour les repérer : dès qu’un discours tourne trop bien, qu’il produit plus d’effet que de contenu, méfiance. Ce n’est peut-être pas du savoir… juste du déconnographe en roue libre.
C’est là toute la subtilité : vous croyez manier le langage, mais c’est le langage qui vous manie. Vous êtes pris dans un réseau de mots qui se répètent, se répercutent et finissent par vous donner l’illusion que vous maîtrisez un savoir… alors que vous ne faites que réciter ce qui circule dans L’Autre (A).
Exemple ?
Le déconnographe, c’est ce moment où l’on prend un effet de langage pour une vérité. Lacan nous met en garde : le savoir, quand il devient pur jeu de signifiants, vire à la déconnographie. Il ne s’agit plus de penser, mais de tourner autour du pot avec une élégance qui donne le vertige.
Dans le monde actuel, le déconnographe est partout. À force de produire du langage, nous avons aussi produit des discours qui ne signifient rien. Et c’est là que ça devient intéressant.
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Vous avez déjà entendu un politicien parler pendant des heures sans rien dire ? Félicitations, vous avez assisté à une performance de déconnographie en direct. On aligne des mots-clés, on fait des phrases longues, on dit que « des décisions seront prises en responsabilité », mais à la fin, rien n’a été dit.
« Nous allons co-construire des solutions disruptives en intelligence collective. » Hein ?! Si cette phrase ne vous apprend rien, c’est parce que son but n’est pas d’expliquer, mais de produire un effet de discours. On ne parle pas pour dire, on parle pour marquer une posture.
« Il faut aligner votre moi profond avec votre vibration intérieure. » Ah bon ? Ce genre de phrases a un pouvoir hypnotique : elles vous donnent l’impression que quelque chose de fondamental est dit, alors qu’en réalité, elles ne disent absolument rien.
Le déconnographe n’est pas simplement un menteur : c’est un faiseur d’illusions linguistiques. Son pouvoir ? Transformer du vent en apparence de savoir. Il vous donne l’impression d’accéder à une vérité supérieure, mais en réalité, vous nagez dans un océan de signifiants qui flottent sans jamais toucher terre.
C’est précisément là que Lacan place son déconnographe : dans ce moment où le langage cesse d’être un outil pour exprimer le réel et devient une pure boucle d’effets sonores. Le mot tourne sur lui-même, crée du mirage, et vous fait croire que vous comprenez… alors que vous êtes juste piégé par une belle formulation.
Face à la déconnographie, la psychanalyse propose un remède radical : ramener le sujet à son propre dire, plutôt qu’au bavardage de L’Autre (A). Autrement dit, dégager le vrai du verbiage.
✅ Les lapsus qui trahissent un désir refoulé.
✅ Les répétitions inconscientes qui en disent long sur ce qui vous hante.
✅ Les moments où le sujet bute, hésite, bégaie, car c’est là que quelque chose de réel affleure.
Tout cela échappe à la déconnographie, car ici, le langage ne flotte plus, il révèle.
Comme le dit Lacan :
« Le sujet reçoit de l’Autre son propre message sous une forme inversée. » (Les Écrits, 1966)
Traduction ? Vous croyez parler en votre propre nom, mais votre discours est déjà structuré par L’Autre (A). La psychanalyse, elle, vient vous décaler, vous montrer où votre propre parole vous échappe.
Là où la déconnographie produit du faux savoir en boucle, l’analyse cherche à détourer ce qui fait trou dans le discours, ce qui ne se laisse pas recouvrir par du bla-bla.
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L’ironie dans tout ça ? C’est que Lacan lui-même semble jouer avec la déconnographie.
Son style est volontairement cryptique, saturé de jeux de mots, de références philosophiques et de paradoxes. À tel point qu’on pourrait parfois le prendre pour un génial déconnographe.
Mais c’est là toute sa subtilité.
👉 Lacan ne produit pas du flou pour séduire ou impressionner, mais pour montrer comment le langage lui-même est une machine à illusion.
C’est ce qui fait toute la différence : le déconnographe parle pour masquer, Lacan parle pour dévoiler.
Dans ses Séminaires, il ne donne pas un savoir tout cuit : il crée une expérience, une façon de plonger le lecteur/auditeur dans le malaise du signifiant, là où le langage trébuche, là où le sujet est confronté à son propre manque.
Et c’est précisément ce point de rupture qui sépare la psychanalyse de la pure déconnographie.
Un bel emballage, des mots bien alignés, une illusion de savoir... mais au fond, du vide.
Et le pire ? Nous sommes tous un peu déconnographes à nos heures perdues.
Mais la psychanalyse, elle, vient perturber cette belle mécanique.
Elle introduit un bug dans le programme, un grain de sable dans l’engrenage des belles formules. Elle dénoue le discours, traque les trous, force à écouter là où on brode.
Alors, la prochaine fois que vous serez subjugué par un discours alambiqué, posez-vous la question :
👉 Est-ce du savoir ou de la déconnographie ?
Si vous hésitez, si ça sonne bien mais que ça ne fait pas mouche, méfiez-vous : vous avez peut-être affaire à un grand maître en illusion verbale.
Et qui sait ? Peut-être que Lacan, du haut de son Séminaire, vous répondra en ricanant.
🔍 À vous de jouer : avez-vous repéré des déconnographes autour de vous ?