Bienvenue dans notre Lacan ? Fastoche ! Et Bienvenue dans le merveilleux monde du manque-à-être ! Vous pensiez que votre problème, c’était de ne pas en avoir assez ? D’argent, d’amour, de reconnaissance ? Mauvaise nouvelle : ce n’est pas un accident de parcours, c’est le fondement même de votre existence. Ce trou que vous tentez de combler à coups de désirs frénétiques et de conquêtes avortées ? Il ne disparaîtra jamais. Pourquoi ? Parce que, selon Lacan, vous êtes structurellement manquant. Alors, asseyez-vous confortablement, laissez tomber l’illusion du bonheur absolu, et explorons ensemble comment le manque-à-être est bien plus qu’une frustration : c’est le moteur de votre existence.
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Trop de lumière, trop de froid, trop de bruits, pas assez de chaleur, pas assez de continuité. C’est là que ça commence : le manque n’est pas un accident de parcours, il est constitutif de votre être.
Non seulement on vous prive du cocon maternel, mais, comble de l’ironie, on s’empresse de vous assommer de soins et d’attention... tout en ne pouvant jamais vous donner exactement ce que vous voulez. Un sein qui arrive trop tard, une voix qui vous parle sans que vous la compreniez, une main qui vous berce mais qui n’est jamais tout à fait celle que vous espériez.
Comme le disait Lacan :
« Le manque-à-être est ce qui nous pousse à désirer, ce qui donne son mouvement à notre existence. » (Lacan, Le Séminaire, livre XI, 1973)
C’est cette expérience fondatrice qui distingue le simple besoin de la tragédie du désir.
Car vous ne voulez pas seulement être nourri.
Vous voulez que l’Autre sache que vous avez faim, et mieux encore : qu’il vous devine, qu’il vous comprenne, qu’il vous donne exactement ce qu’il faut, au moment parfait. Autant dire que vous êtes condamné d’avance.
Vous n’êtes pas un être brut. Vous êtes une construction sociale, psychique, langagière. Dès le départ, vous êtes nommé, catalogué, enfermé dans des signifiants qui ne disent jamais totalement qui vous êtes.
Votre prénom ? Ce n’est pas vous qui l’avez choisi.
Votre sexe ? On l’a décidé pour vous avant même que vous puissiez articuler une phrase.
Votre place dans le monde ? Elle est assignée avant même que vous sachiez marcher.
Et c’est là que le manque-à-être devient plus qu’une simple privation : il devient une structure.
Lacan nous enseigne que le désir ne vient pas de vous, mais de l’Autre.
Vous ne désirez pas spontanément : vous désirez ce que l’Autre semble désirer. Vous voulez être reconnu, vu, nommé. Vous voulez exister dans son regard.
C’est ainsi que se met en place ce manque structurant, celui qui vous pousse à chercher quelque chose que vous ne trouverez jamais.
C’est la grande mécanique du désir humain : une quête sans fin, alimentée par un vide qui ne se refermera jamais. Et c’est tant mieux, car c’est précisément ce manque qui vous maintient en mouvement, qui fait que vous aimez, que vous créez, que vous rêvez… et que vous continuez de poser la question : mais qu’est-ce que je veux vraiment ?
Vous connaissez cette sensation : vous rêvez de ce boulot, de cette personne, de cet objet… et puis, une fois que vous l’avez, l’excitation retombe, le vide se réinstalle, et vous voilà déjà en quête de quelque chose d’autre. Pourquoi ?
Parce que, comme le dit Lacan :
« Le désir est le désir de l’Autre. » (Le Séminaire, livre VIII, 1960)
Autrement dit, vous ne désirez jamais un objet pour lui-même. Ce que vous voulez, en profondeur, c’est que votre désir soit validé, reconnu, inscrit dans le regard de l’Autre.
Mais il y a un hic : l’Autre aussi est un sujet barré, lui aussi en proie à un manque fondamental. Il ne pourra donc jamais vous donner cette reconnaissance absolue que vous attendez.
Prenez l’exemple d’une relation amoureuse. Au début, la passion est brûlante : l’Autre incarne un mystère, une promesse. Puis, à mesure que vous le connaissez, que l’objet du désir devient trop accessible, il perd en intensité. Vous vous retrouvez face à un choix :
De la même manière, vous croyez que la réussite professionnelle vous comblera. Mais une fois la promotion obtenue, une fois l’objectif atteint, un autre manque surgit aussitôt : et après ? Que reste-t-il à désirer ?
Vous bricolez un fantasme.
Le fantasme, chez Lacan, n’est pas juste une rêverie agréable. C’est une construction psychique qui vous permet de supporter l’insupportable, une mise en scène qui donne une cohérence imaginaire à votre désir.
En d’autres termes, vous vous racontez une histoire qui masque le manque.
Prenons un exemple : vous vous imaginez qu’une relation amoureuse parfaite existe. Vous projetez sur l’Autre l’idée qu’il viendra combler votre vide intérieur. Mais deux scénarios s’offrent à vous :
C’est un mécanisme qui ne se limite pas aux relations amoureuses.
Le fantasme est une rustine sur le Réel : il vous évite de voir l’impasse du manque-à-être en vous maintenant dans une illusion de complétude possible.
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Soit il reste hors de portée et vous souffrez de ne jamais l’atteindre.
Soit vous le réalisez et il s’effondre sous vos yeux.
Mais alors, faut-il se résigner ? Pas du tout. Lacan nous invite plutôt à jouer avec le manque, à en faire un moteur plutôt qu’une condamnation.
Le manque-à-être n’est pas une malédiction, c’est ce qui vous maintient vivant, désirant, créatif.
C’est peut-être frustrant, mais c’est aussi ce qui fait tout le sel de l’existence.
Vous avez une compulsion ? Une obsession ? Une anxiété diffuse ? Tout cela n’est que la signature de votre manque structurant.
Le symptôme, dans sa logique, est un bricolage, un compromis entre ce qui vous habite inconsciemment et ce que vous pouvez supporter consciemment.
Lacan nous le rappelle :
« Le symptôme est une vérité qui se déguise. » (Le Séminaire, livre XX, 1975)
Autrement dit, ce que vous ne pouvez pas dire, ce que vous ne pouvez pas penser, votre corps et votre comportement le traduiront à leur manière.
Prenons quelques exemples cliniques :
L’obsessionnel veut tout contrôler, tout prévoir. Pourquoi ? Parce qu’il cherche à boucher le trou du manque, à colmater l’incertitude du désir par des rituels et des pensées récurrentes. Mais le problème, c’est que plus il contrôle, plus il alimente l’angoisse du manque qui lui échappe toujours.
L’hystérique se place en position de désirée, cherchant sans cesse à être regardée, admirée. Mais dès qu’elle obtient ce qu’elle veut, elle s’en détourne, car son manque est ce qui alimente son désir. Ce qu’elle veut, ce n’est pas l’Autre en lui-même, mais le maintien du manque qui l’anime.
L’angoissé oscille entre la crainte du vide et la peur de l’excès. Il pressent que quelque chose lui échappe, mais il ne sait pas quoi. Il vit son manque de façon brute, sans le sublimer ni le symboliser.
Elle ne cherche pas à supprimer le manque – car ce serait vous condamner à une existence désincarnée, un état de robot sans désir ni mouvement.
Elle vous aide à l’assumer, à le symboliser, à le reconvertir en quelque chose d’autre qu’un gouffre d’angoisse.
Il s’agit de passer :
✅ Du symptôme subi → au symptôme analysé et transformé.
✅ Du manque qui ronge → au manque qui devient un moteur.
C’est précisément ce que Lacan appelle la sublimation : au lieu de rester enfermé dans un symptôme répétitif, vous trouvez un moyen de donner une forme, une expression, un déplacement à votre manque.
Si le manque était un simple vide, nous serions condamnés à l’errance et au désespoir. Mais c’est justement parce qu’il est structurant qu’il devient un moteur de création.
Lacan le disait ainsi :
« La sublimation élève un objet à la dignité de la Chose. » (Le Séminaire, livre VII, 1959)
Autrement dit, nous ne comblons jamais le manque, mais nous trouvons des manières inventives de le faire exister autrement.
L’art, la science, l’amour, la philosophie – tout ce qui nous rend humains – ne sont que des tentatives de transformer ce vide en quelque chose de tangible.
Prenons quelques illustrations :
Et puis, il y a ceux qui n’arrivent pas à sublimer et qui cherchent des béquilles :
Le manque-à-être ne se comble jamais, mais il permet de créer, d’inventer, de transformer.
C’est ce qui fait que nous ne sommes pas des machines, mais des êtres de désir, toujours en quête d’un objet qui nous échappe et qui, dans cette échappée même, nous fait exister.
Plutôt que de vous épuiser à chercher une complétude impossible :
🔹 Comment pourriez-vous transformer votre manque en moteur ?
🔹 Comment pourriez-vous jouer avec lui plutôt que de le subir ?
🔹 Quel désir pourrait naître de votre incomplétude assumée ?
C’est ce qui permet de passer :
✅ De la névrose qui tourne en boucle → à une vie qui assume l’inachevé comme une force.
✅ De la plainte sur ce qui manque → à l’envie de créer, d’inventer, de détourner ce manque.
✅ De l’illusion d’un "tout" possible → à l’acceptation joyeuse que le manque, c’est la vie.
Le manque-à-être n’est pas une erreur de fabrication, ni un accident de parcours. C’est votre moteur.
Sans lui, vous ne désireriez pas. Vous ne créeriez pas. Vous ne chercheriez pas à comprendre, à rencontrer, à aimer, à vous révolter, à rêver plus loin que votre petite réalité immédiate.
Alors, au lieu de le combattre, apprenez à vous en faire un allié.
Vous croyez encore qu’un jour vous serez "complet" ? Que vous trouverez l’Autre parfait, le job parfait, la reconnaissance absolue, l’état d’illumination qui effacera toutes vos interrogations existentielles ?
« L’homme est ce qu’il manque. »
(Le Séminaire, livre II, 1955)
Dès que vous atteignez un objectif, vous lorgnez déjà ailleurs.
C’est structurel. C’est là que réside la vérité du désir : vouloir toujours au-delà de ce qui est.
Ce n’est pas une malédiction. C’est ce qui fait que vous êtes en vie.
« Il n’y a pas de rapport sexuel. » (Le Séminaire, livre XX, 1975)
(Sous-entendu : il n’y a pas de complétude, l’Autre ne viendra jamais combler le vide.)
Et si vous lâchiez enfin cette quête impossible du tout ?
Et si vous acceptiez l’incomplétude comme une richesse, au lieu de la vivre comme un échec ?
🔹 Créez. Écrivez, dansez, inventez.
🔹 Désirez. Sans culpabiliser d’avoir toujours faim d’autre chose.
🔹 Jouez. Avec votre parole, votre histoire, vos contradictions.
🔹 Arrêtez d’attendre l’état de satisfaction totale. Il n’arrivera jamais.
Vous ne serez jamais complet.
Et c’est tant mieux.
Car c’est dans ce manque que réside votre liberté.
Alors, au lieu de le fuir, dansez avec lui.
Faites de ce manque votre signature.
Ne soyez pas un être assouvi, soyez un être en mouvement.