Les méconnaissances : Pourquoi préférons-nous ignorer ce qui nous dérange ?
2/11/2024

Les méconnaissances : Quand nous ne voulons pas voir ce qui nous dérange

En analyse transactionnelle, les « méconnaissances » sont des mécanismes de défense qui nous permettent d’éviter de voir, de comprendre ou de ressentir certaines réalités qui nous dérangent. Étrangement, nous nous accrochons à ces filtres, même quand ils nous jouent des tours. Mais pourquoi choisit-on de méconnaître des informations ou des émotions pourtant évidentes ?

« Ce que nous refusons de voir finit toujours par nous contrôler. »

Dans cet article, nous allons explorer les méconnaissances, leurs bénéfices cachés, et pourquoi il est si difficile de les laisser tomber. Après tout, ne pas voir certains aspects de la réalité peut sembler bien plus confortable, n'est-ce pas ?

Qu’est-ce qu’une méconnaissance et pourquoi la met-on en place ?

Dans le langage de l’analyse transactionnelle, une méconnaissance est une manière de « ne pas voir » une réalité, un sentiment ou un besoin.

Ce n’est pas un simple oubli ou une inattention passagère, mais plutôt une forme de déni.

On ignore intentionnellement, bien que souvent inconsciemment, quelque chose qui ne cadre pas avec notre vision de nous-mêmes ou des autres. Cela peut aller de l’ignorance d’un défaut personnel à la minimisation de comportements toxiques dans une relation.

Pourquoi choisit-on de méconnaître des faits qui nous concernent directement ?

Parce que cela évite des remises en question inconfortables. Admettre une réalité dérangeante pourrait nous obliger à changer de comportement, à revoir nos priorités ou même à rompre certains liens. La méconnaissance devient alors une sorte de bouclier psychologique : elle permet de maintenir notre image de nous-mêmes ou des autres et de ne pas perturber notre équilibre émotionnel.

Quels sont les différents types de méconnaissances ?

Les méconnaissances peuvent se manifester sous plusieurs formes, chacune ayant son propre mécanisme.

On distingue généralement quatre types principaux, chacun correspondant à une manière de filtrer la réalité pour ne garder que ce qui nous arrange :

  • Méconnaissance de l’existence du problème : c’est le stade le plus basique, où l’on nie carrément qu’un problème ou qu’un besoin existe. Par exemple, une personne pourrait refuser de reconnaître qu’elle ressent de la colère, préférant penser qu’elle est toujours « calme et posée ». Cela permet de préserver une image de soi flatteuse, mais aussi d’éviter de confronter des émotions inconfortables.
  • Méconnaissance de la signification : ici, on accepte l’existence du problème, mais on minimise son importance. Par exemple, on peut admettre qu’une relation est tendue, mais en ignorer les conséquences, se disant que « ce n’est pas si grave ». Ce type de méconnaissance permet de maintenir une illusion de contrôle.
  • Méconnaissance des possibilités de changement : on reconnaît le problème, mais on pense qu’il n’y a rien à faire pour le changer. Cette méconnaissance est un excellent prétexte pour rester passif, en se disant que « c’est comme ça, et il n’y a rien à y faire ».
  • Méconnaissance de la capacité personnelle : c’est l’idée que même si un problème peut être résolu, nous n’avons pas les ressources nécessaires pour le faire. C’est un moyen de ne pas se confronter à ses propres peurs et d’éviter de prendre des risques. En se sous-estimant, on se protège contre l’échec, ou du moins contre l’éventualité d’essayer.

Ces types de méconnaissances fonctionnent souvent ensemble, créant un écran épais entre nous et la réalité. En choisissant de ne voir que ce qui nous convient, nous évitons de nous sentir dépassés ou forcés d’agir.

Pourquoi les méconnaissances sont-elles si rassurantes ?

Les méconnaissances ont cet effet rassurant, car elles nous permettent de rester dans notre « zone de confort ».

En ignorant ce qui nous dérange, nous évitons d’être confrontés à des vérités qui pourraient nous déstabiliser.

Prenons l’exemple d’une relation qui se détériore : admettre qu’il y a un problème signifierait peut-être qu’il faut en discuter, se confronter ou même envisager de s’éloigner. La méconnaissance, quant à elle, offre une illusion de stabilité.

De plus, ces mécanismes nous permettent de conserver notre image de nous-mêmes. Si une personne se voit comme forte et inébranlable, elle peut méconnaître ses peurs ou ses faiblesses pour ne pas remettre en question cette vision. Ce mécanisme de défense devient alors une stratégie de maintien de l’ego, permettant de préserver une version idéalisée de soi-même ou des autres. Tant que l’on ne voit pas ce qui pourrait ébranler cette image, on garde le sentiment d’être en contrôle.

Quels sont les avantages cachés des méconnaissances ?

Les méconnaissances, bien que limitantes, offrent des bénéfices cachés.

Elles protègent, en premier lieu, contre la nécessité de changer.

Car si l’on reconnaît un problème, il devient difficile de ne pas se sentir obligé d’y remédier. En évitant de voir ce qui dysfonctionne, on peut ainsi s’abstenir de toute démarche de transformation, ce qui est, avouons-le, bien plus confortable. Cette inertie est bien pratique, surtout pour les aspects de la vie où l’effort ou le risque sont particulièrement intimidants.

D’un point de vue relationnel, les méconnaissances permettent également d’éviter les conflits.

En ne voyant pas les comportements problématiques d’un proche, on évite de les confronter. Cette stratégie est courante, notamment dans les relations de couple ou les relations familiales, où la paix apparente est souvent préférée à la vérité. La méconnaissance devient alors un moyen de maintenir une illusion de tranquillité, même si cette tranquillité est fragile et artificielle.

Pourquoi est-il si difficile de se libérer des méconnaissances ?

Se défaire des méconnaissances est tout un défi, car cela demande de faire face à des vérités qui ne sont pas forcément agréables.

En prenant conscience de ce que l’on évitait de voir, on est soudain confronté à des choix qui peuvent impliquer des changements radicaux. Par exemple, reconnaître que l’on est dans une relation toxique peut signifier qu’il faudra s’en éloigner, ou admettre que l’on a des comportements nuisibles peut impliquer un travail sur soi qui exige du temps et des efforts.

Il est également difficile de laisser tomber les méconnaissances, car cela implique de remettre en question des croyances profondément ancrées.

Si l’on a toujours cru que l’on est « fort » et « inébranlable », admettre que l’on a des faiblesses peut provoquer une véritable crise identitaire. En d’autres termes, les méconnaissances protègent aussi notre ego en nous évitant de nous voir sous un jour qui pourrait être inconfortable.

Comment reconnaître ses propres méconnaissances ?

Prendre conscience de ses méconnaissances demande un exercice d’introspection honnête.

Cela commence souvent par des questions simples : « Quelles vérités est-ce que j’évite de voir ? », « Qu’est-ce que je minimise pour ne pas avoir à agir ? » ou « Où est-ce que je me sous-estime pour éviter de prendre des risques ? ». En répondant à ces questions, on peut commencer à repérer les domaines de notre vie où l’on se voile la face, que ce soit au niveau personnel, relationnel ou professionnel.

Il peut aussi être utile d’observer les situations dans lesquelles on ressent un malaise sans en comprendre la raison. Souvent, ce malaise est le signe que notre esprit a repéré quelque chose que l’on refuse d’admettre. Prendre le temps d’analyser ces inconforts peut révéler des méconnaissances que l’on s’efforçait de garder enfouies.

Les méconnaissances, des illusions de confort qui finissent par peser...

Les méconnaissances, malgré leur apparence inoffensive, sont des mécanismes de défense puissants qui nous empêchent de voir la réalité telle qu’elle est.

Elles offrent un confort temporaire, mais elles nous enferment dans une illusion qui finit par devenir pesante. Car à force de ne pas voir, on finit par se perdre dans des mensonges que l’on se raconte à soi-même. Sortir des méconnaissances, c’est accepter de voir les choses en face, de reconnaître ce que l’on évitait et de se libérer des illusions qui nous maintenaient dans une zone de confort restreinte.

Comme le disait Berne, « Ce que nous refusons de voir finit toujours par nous contrôler. » Alors, qu’est-ce que vous choisissez de voir aujourd’hui ?

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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