Mon enfant se scarifie, comment réagir ?
10/10/2024

Mon enfant se scarifie, comment réagir ?

Les scarifications chez les adolescents reflètent une souffrance émotionnelle souvent cachée. Ce comportement, bien qu'inquiétant, n'est pas toujours une tentative de suicide. Il est essentiel de comprendre ses causes et de repérer les signes pour mieux accompagner votre enfant.

Les scarifications, c’est quoi ?

Les scarifications désignent des actes d’automutilation, au cours desquels une personne se blesse volontairement, créant des lésions visibles sur le corps.

Ces blessures sont infligées à l’aide d’objets tranchants, d’ongles ou d’autres outils. Ce comportement auto-destructeur est plus fréquent chez les adolescents, en particulier chez les jeunes filles.

Il ne s’agit généralement pas d’une tentative de suicide, mais plutôt d’un mécanisme d’adaptation émotionnelle face à une douleur psychique intense.

Les scarifications chez les adolescents apparaissent souvent en réaction à des facteurs de stress, tels que des conflits familiaux , des problèmes à l’école, ou encore une difficulté à exprimer ses émotions.

Les adolescents qui se scarifient cherchent souvent à soulager une souffrance émotionnelle difficilement verbalisable, en la rendant physique et visible. Si ces actes procurent parfois un soulagement temporaire, la détresse psychologique revient rapidement, créant un cycle de douleur où le besoin de recommencer s’impose à nouveau. Dans certains cas, la scarification peut aussi être un moyen de ressentir quelque chose, de reprendre contact avec la réalité, ou de répondre à un sentiment de vide existentiel.

Que dit le DSM-5 sur la scarification ?

Le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) reconnaît que la scarification, aussi appelée automutilation non suicidaire, est un comportement fréquent chez les adolescents confrontés à une souffrance émotionnelle intense.

Même si ce trouble du comportement ne figure pas comme une pathologie autonome, le DSM-5 identifie la NSSI (Non-Suicidal Self-Injury) comme une problématique prise très au sérieux par les professionnels de santé mentale.

L’automutilation non suicidaire : qu’est-ce que c’est ?

Selon le DSM-5, l’automutilation non suicidaire désigne le fait de se blesser intentionnellement sans volonté de se donner la mort.

Cela inclut des gestes comme se couper, se brûler, se griffer ou s’entailler la peau.

Pour les parents, ces comportements peuvent sembler déroutants ou alarmants, mais pour l’adolescent, ils représentent souvent une stratégie de régulation émotionnelle face à un trop-plein psychique.

Pour que ce comportement soit qualifié de NSSI, il doit survenir au moins cinq fois sur une période de 12 mois, et s’accompagner d’une fonction spécifique, parmi lesquelles :

  • Apaiser des émotions douloureuses : la scarification soulage temporairement une tristesse, une colère ou une anxiété incontrôlable.
  • Chercher à ressentir quelque chose : certains adolescents se sentent vides, émotionnellement « anesthésiés », et utilisent la douleur physique pour ressentir une présence à soi.
  • Reprendre le contrôle : lorsque tout semble leur échapper, se scarifier donne l’illusion de maîtriser quelque chose, même si cela implique leur propre corps.

Quels troubles sont souvent associés à la scarification ?

Bien que la scarification chez les adolescents soit une entité à part, elle est fréquemment associée à des troubles psychiques.

Le DSM-5 montre que ce comportement auto-destructeur est souvent lié à :

  • Le trouble de la personnalité borderline : caractérisé par une instabilité émotionnelle, une peur de l’abandon, et des comportements impulsifs, dont l’automutilation fait souvent partie.
  • Les troubles de l’humeur, notamment la dépression chez les adolescents, où la scarification peut apparaître comme une tentative désespérée pour soulager une douleur intérieure.
  • Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) : les jeunes ayant vécu des traumatismes utilisent parfois la scarification pour gérer des souvenirs intrusifs ou calmer des flashbacks.

Pourquoi est-il important de comprendre cela ?

En tant que parent, comprendre que la scarification est un comportement reconnu cliniquement peut être rassurant.

Cela signifie que vous n’êtes pas seul, et que ce que vit votre enfant, aussi inquiétant cela puisse paraître, fait sens dans une logique de survie émotionnelle.

Le DSM-5 insiste sur l’importance de ne pas minimiser ces actes, car ils signalent une détresse psychologique réelle, parfois indicible autrement. Traiter la scarification avec empathie, vigilance et professionnalisme, c’est offrir à l’adolescent une chance de rétablissement et de reconnexion à lui-même, dans un cadre thérapeutique adapté.

Comment repérer les scarifications lorsque votre enfant ne vous en parle pas ?

Les adolescents qui se scarifient ont souvent tendance à cacher leurs blessures.

Ils peuvent porter des vêtements longs, même en pleine chaleur, ou choisir des tenues qui dissimulent les marques sur leur peau.

Leur attitude extérieure peut sembler calme, voire détachée, ce qui rend encore plus difficile la détection des scarifications par l’entourage.

Cependant, certains signes discrets peuvent alerter les parents d’un adolescent en souffrance :

  • Des traces de sang sur les draps, les serviettes ou les vêtements.
  • La découverte d’objets tranchants (lames, ciseaux, épingles) tachés de sang.
  • La présence répétée de coupures ou blessures, que l’adolescent justifie par des “accidents”.
  • Un changement de comportement brutal : repli sur soi, irritabilité inhabituelle, perte d’intérêt pour les activités habituelles.

Même si vous n’êtes pas certain que votre enfant se scarifie, il est important de ne pas ignorer votre intuition. Créez un espace de dialogue bienveillant. Proposez-lui de parler de ses émotions, sans insister ni forcer la confidence. Vous pouvez aussi suggérer un accompagnement par un professionnel de santé mentale, en expliquant que ce soutien n’implique aucun jugement mais qu’il peut l’aider à mieux traverser ce qu’il ressent.

Comment réagir face aux scarifications dans l’urgence ?

Lorsque la tension émotionnelle monte chez votre adolescent et qu’il devient irritable, agressif, ou semble au bord d’un passage à l’acte auto-destructeur, il est essentiel d’agir avec calme et présence.

Dans ces moments critiques, votre rôle consiste à l’aider à canaliser son mal-être autrement que par la scarification.

Vous pouvez proposer des activités de distraction pour détourner son attention de la pulsion d’automutilation :

  • Écouter de la musique
  • Regarder un film
  • Appeler un ami
  • Sortir prendre l’air ou marcher ensemble

Si ces stratégies ne suffisent pas, il existe des alternatives physiques plus saines pour gérer la tension intérieure :

  • Faire du sport ou courir quelques minutes
  • Frapper dans un coussin
  • Dessiner ou gribouiller sur une feuille
  • Se frotter le bras avec un glaçon
  • Prendre une douche froide pour reconnecter au corps sans se blesser

Dans tous les cas, gardez à l’esprit que ces comportements, bien que choquants, sont souvent l’expression d’une souffrance psychique intense.

Il est important de ne pas culpabiliser l’adolescent, ni de le rejeter. Évitez les cris ou les injonctions brutales. Dites-lui avec fermeté douce et empathie que vous comprenez qu’il souffre, mais qu’il existe d’autres moyens de faire face à cette douleur

Que faire après une crise de scarification ?

Une fois la crise de scarification passée, il est essentiel de ne pas minimiser ce moment, mais aussi d’éviter de dramatiser.

L’objectif est de rétablir un lien de confiance avec votre enfant, dans un cadre calme et sécurisé, afin qu’il puisse se sentir soutenu sans être jugé.

Exprimez clairement que vous l’aimez, que vous êtes inquiet pour lui, et que vous souhaitez l’aider à aller mieux. Il n’est pas nécessaire d’entrer immédiatement dans les détails du geste. Parfois, les adolescents ne sont pas prêts à parler de leurs scarifications, surtout juste après une crise. Préférez des questions ouvertes comme :

  • « Est-ce que tu veux qu’on parle de ce qui s’est passé ? »
  • « Comment tu te sens aujourd’hui ? »

Encouragez tous les moyens d’expression émotionnelle : certains adolescents ont du mal à parler, mais peuvent écrire, dessiner, ou utiliser des applications d’écriture privée pour exprimer ce qu’ils ressentent.

Il est aussi important d’observer si ce comportement devient récurrent ou semble instrumentalisé. Dans certains cas, la scarification peut devenir un moyen de manipulation inconsciente, utilisé pour attirer l’attention, obtenir un avantage, ou éviter une responsabilité. Cela ne signifie pas que la souffrance n’est pas réelle, mais qu’il est essentiel de poser un cadre clair, avec des limites saines, tout en maintenant une posture empathique.

Pourquoi est-il important de comprendre les raisons des scarifications ?

Pour accompagner efficacement un adolescent qui se scarifie, il est essentiel d’aller au-delà du geste lui-même pour en comprendre la fonction psychique.

La scarification n’est pas un simple appel à l’aide : elle répond souvent à un besoin émotionnel profond que l’adolescent ne parvient pas à exprimer autrement.

En vous posant les bonnes questions, vous pouvez mieux cerner le sens de l’automutilation :

  • Est-ce pour diminuer l’anxiété ?
  • Pour combattre un sentiment de vide, de culpabilité ou de solitude extrême ?
  • Pour reprendre contact avec la réalité, dans un moment de dissociation émotionnelle ?
  • Pour faire taire des pensées envahissantes voire suicidaires ?

Identifier ces motivations permet de mieux comprendre le fonctionnement psychique de votre enfant et d’anticiper les moments critiques.

Observez quand les pulsions de scarification surgissent : après une dispute familiale, une humiliation à l’école, un moment de solitude ou de surstimulation émotionnelle ?

Connaître les déclencheurs de la scarification permet de mettre en place des stratégies de prévention et d’adaptation émotionnelle, en transformant ces moments vulnérables en occasions de dialogue ou de mise à distance des automatismes destructeurs.

Comment créer un “plan d’attaque” pour gérer les scarifications ?

Mettre en place un plan d’attaque contre les scarifications peut être une stratégie précieuse pour aider votre enfant à mieux gérer ses émotions et à sortir du cycle auto-destructeur.

Ce plan de prévention personnalisé permet d’identifier les situations à risque, les émotions déclencheuses et les alternatives possibles à l’automutilation.

Ce plan de gestion des scarifications peut prendre la forme d’un tableau, d’un carnet ou d’un journal intime partagé (ou non) avec vous. Il peut inclure :

  • Les moments de vulnérabilité (fin de journée, après une dispute, solitude du week-end…)
  • Les émotions précises ressenties (colère, tristesse, vide, honte…)
  • Les facteurs déclenchants (remarques blessantes, stress scolaire, rejet social…)
  • Les alternatives à la scarification (écouter une musique, écrire dans un carnet, utiliser un glaçon, faire du sport, appeler un proche…)

Ce travail d’identification et d’anticipation redonne à l’adolescent un pouvoir d’agir sur ses comportements. Il ne s’agit pas de supprimer les émotions difficiles, mais de lui offrir des outils concrets pour y faire face autrement.

Plus ce plan anti-scarification est co-construit avec lui, plus il sera adapté, réaliste et durable.

Vous pouvez l’accompagner dans cette démarche sans l’imposer, en lui proposant de l’aide pour créer une boîte à outils émotionnelle, une routine de secours, ou un réflexe de substitution.

Quand contacter un professionnel pour des scarifications ?

Dès que vous suspectez ou constatez des comportements de scarification chez votre enfant, il est recommandé de consulter un professionnel de santé mentale.

Même si les automutilations ne sont pas toujours liées à une tentative de suicide, elles témoignent d’une souffrance psychologique importante qui ne doit jamais être ignorée.

Un pédiatre, un médecin généraliste, un psychologue ou un psychiatre pour adolescents pourra vous aider à évaluer la gravité de la situation, à poser un cadre thérapeutique, et à proposer un suivi adapté.

Voici quelques signaux qui doivent vous alerter et justifient une prise de contact immédiate :

  • Les scarifications deviennent fréquentes ou ritualisées
  • Les blessures sont plus graves ou nombreuses qu’auparavant
  • L’adolescent parle de désespoir, d’envie de mourir, ou de vide existentiel
  • Vous ressentez une perte de contrôle sur la situation malgré vos efforts

En cas d’urgence, ou si les scarifications sont associées à des pensées suicidaires, n’attendez pas : rendez-vous aux urgences pédiatriques ou psychiatriques, où une évaluation immédiate pourra être réalisée.

Consulter un professionnel, ce n’est pas « dramatiser », c’est prendre au sérieux un signal de détresse.

C’est montrer à votre enfant que vous êtes là, que vous l’aimez, et que vous faites le choix du soin et de l’écoute pour lui permettre de se reconstruire autrement.

FAQ - Vos questions fréquentes sur les scarifications

Mon enfant se scarifie, est-ce ma faute ?

Il est naturel de se poser cette question en tant que parent.

Mais il faut savoir que les scarifications chez les adolescents ne sont généralement pas le résultat d’un échec parental. Les causes de l’automutilation sont souvent multiples : émotionnelles, relationnelles, traumatiques ou contextuelles. Même si vous ressentez de la culpabilité, l’essentiel est de ne pas vous blâmer, mais de rester présent, à l’écoute et soutenant. Votre rôle de repère affectif est déjà une ressource précieuse.

Comment puis-je aider mon enfant à en parler ?

Les scarifications sont souvent entourées de honte et de peur du jugement.

Pour aider votre enfant, il est important d’ouvrir un espace de dialogue bienveillant, sans pression. Proposez-lui simplement votre écoute :« Je vois que tu ne vas pas bien, je suis là si tu veux en parler, maintenant ou plus tard. »Respectez son rythme émotionnel. Laissez-lui la possibilité de s’exprimer autrement : par l’écriture, le dessin, ou des médias créatifs.

Les scarifications vont-elles s’arrêter d’elles-mêmes ?

Dans certains cas, la scarification à l’adolescence s’arrête spontanément.

Mais pour beaucoup, elle devient un mécanisme de régulation durable, voire un automatisme. Ne comptez pas uniquement sur le temps. Un suivi thérapeutique permet à votre enfant de comprendre ses émotions, de trouver des alternatives à l’automutilation, et de développer de nouveaux repères internes pour gérer sa souffrance.

Dois-je en parler à l’école ou aux amis de mon enfant ?

Il peut être délicat de décider à qui parler de la situation, surtout lorsque votre enfant est encore à l’école.

La confidentialité est essentielle. Évitez d’en parler sans le consentement de votre enfant, sauf en cas de danger avéré. Si vous pensez que le mal-être vient de l’école (harcèlement, stress des examens, isolement…), vous pouvez en parler à un conseiller scolaire, tout en respectant son intimité. L’équilibre est délicat, mais viser le soutien extérieur sans trahir la confiance est souvent la meilleure voie.

Est-ce que mon enfant est seul à vivre ça ?

Il est courant de penser que votre enfant est isolé dans sa souffrance, mais les comportements d’automutilation touchent un nombre significatif d’adolescents.

Selon certaines études, environ 10 à 30 % des jeunes admettent s’être déjà auto-mutilés à un moment de leur vie. Cette souffrance silencieuse est malheureusement partagée par de nombreux adolescents, souvent en réponse à des pressions émotionnelles. Cela ne rend pas la situation moins sérieuse, mais savoir que d'autres familles vivent la même chose peut parfois aider à dédramatiser le sentiment d'isolement.

Est-ce que les scarifications sont liées à des troubles mentaux graves ?

Les scarifications sont souvent associées à des troubles de l’humeur tels que la dépression ou l’anxiété. Cependant, elles ne sont pas toujours le signe d’un trouble mental grave. Elles peuvent être une réponse temporaire à une situation de stress intense, une manière de gérer des émotions trop envahissantes. Cela dit, il est important de consulter un professionnel de la santé mentale pour évaluer la situation dans sa globalité et voir s’il y a des troubles sous-jacents nécessitant un traitement.

Que faire si mon enfant refuse de voir un professionnel ?

Il n’est pas rare que les adolescents refusent de voir un psychologue ou un psychiatre, surtout s'ils se sentent incompris ou jugés.

Dans ces moments-là, il est important de ne pas forcer la situation, car cela pourrait aggraver leur sentiment de rejet ou renforcer leur isolement. Vous pouvez proposer des alternatives moins intimidantes, comme parler à un conseiller scolaire ou essayer des plateformes en ligne, qui offrent un espace plus anonyme et potentiellement plus confortable pour eux.

Toutefois, en tant que parent, vous avez la possibilité de consulter un professionnel vous-même, même sans la participation de votre enfant. Dans le cadre d’une approche thérapeutique telle que la thérapie stratégique systémique, les parents jouent un rôle crucial et peuvent agir comme de véritables "co-thérapeutes". En effet, en travaillant avec un psychothérapeute, vous pouvez obtenir des outils et des stratégies pour comprendre et mieux gérer la situation, ce qui peut indirectement aider votre enfant à long terme. Ce type d’accompagnement parental permet d'apporter des changements dans l’environnement familial sans nécessairement avoir besoin de la participation directe de l'adolescent, facilitant ainsi une approche plus douce et indirecte.

L’important est de montrer à votre enfant que vous êtes là pour le soutenir, sans pression, tout en lui faisant comprendre que consulter un professionnel reste une option ouverte. Cela permet de maintenir une porte ouverte vers l’aide psychologique sans provoquer de confrontation directe.

Références

Favazza, A. R., & Rosenthal, R. J. (1993). Diagnostic issues in self-mutilation. Hospital & Community Psychiatry, 44(2), 134-140.

Guibert, G., Douillard, A., & Hébert, C. (2019). Automutilation à l’adolescence : comprendre et intervenir. Revue de psychiatrie et de psychologie, 39(4), 227-238.

Haute Autorité de Santé. (2021). Prise en charge de l’automutilation chez les adolescents. Revue de la Santé Publique, 12(3), 153-159.

INSERM. (2020). Les troubles de l’humeur et l’adolescence. Revue des sciences psychiatriques, 29(2), 112-120.

Shankland, R. (2019). Psychologie positive et adolescence. Dunod.

Tisseron, S. (2020). Le mystère de la chambre d’ado. Albin Michel.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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