Les scarifications chez les adolescents reflètent une souffrance émotionnelle souvent cachée. Ce comportement, bien qu'inquiétant, n'est pas toujours une tentative de suicide. Il est essentiel de comprendre ses causes et de repérer les signes pour mieux accompagner votre enfant.
Ce comportement est plus fréquent chez les adolescents, et plus spécifiquement chez les filles. Il ne s’agit généralement pas d’une tentative de suicide, mais d’un mécanisme pour gérer une douleur émotionnelle intense.
Le plus souvent, les scarifications surviennent en réponse à des facteurs de stress : conflits familiaux ou sociaux, problèmes à l’école, difficultés à comprendre et exprimer ses émotions. Les adolescents qui se scarifient cherchent souvent à soulager une souffrance psychologique difficile à verbaliser, en la rendant physique et tangible. Bien que ces actes puissent apporter un soulagement momentané, la souffrance émotionnelle revient rapidement, créant un cycle où l’adolescent ressent de nouveau le besoin de se faire du mal. Dans certains cas, ces comportements peuvent être une recherche de sensations fortes, une réponse à un sentiment de vide ou encore une manière de reprendre contact avec la réalité.
Le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) reconnaît que la scarification, ou automutilation non suicidaire, est un comportement que beaucoup d'adolescents adoptent pour faire face à une souffrance émotionnelle intense. Même si cela ne figure pas comme un trouble à part entière, l’automutilation non suicidaire, appelée NSSI (Non-Suicidal Self-Injury), est prise très au sérieux par les professionnels de santé mentale.
Cela inclut des gestes comme se couper, se brûler ou se griffer. Bien que cela puisse sembler déroutant ou effrayant pour vous en tant que parent, il convient de comprendre que pour votre enfant, ces actes peuvent être une manière de gérer des émotions trop intenses pour être exprimées autrement.
Pour que ce comportement soit qualifié d’automutilation non suicidaire, il doit se produire de manière récurrente, au moins cinq fois sur une période de 12 mois. Les raisons peuvent varier, mais elles incluent souvent :
Bien que l’automutilation non suicidaire soit un comportement à part, elle est souvent liée à d'autres troubles mentaux. Le DSM-5 montre que ce comportement se retrouve souvent dans des diagnostics comme :
Pour vous, parent, comprendre que la scarification est un comportement reconnu par les professionnels de santé mentale peut être un soulagement. Vous n’êtes pas seul à affronter cela, et ce comportement, bien qu'inquiétant, est souvent un signe que votre enfant essaie de faire face à une douleur qu’il ne sait pas comment exprimer autrement. Le DSM-5 souligne l’importance de traiter la scarification avec sérieux, car elle est le reflet d’une détresse profonde.
Ils peuvent également maintenir une attitude calme en apparence, ce qui rend difficile de détecter ces comportements.
Il existe toutefois certains signes qui peuvent vous alerter : des traces de sang sur les draps ou les vêtements, la découverte d’un objet tranchant taché de sang, ou la présence récurrente de blessures que l’adolescent justifie par des "accidents". Un changement soudain dans son comportement, comme un repli sur soi ou une irritabilité accrue, peut aussi indiquer une souffrance sous-jacente.
Même si vous n’êtes pas certain que votre enfant se scarifie, il est important d’ouvrir la discussion de manière bienveillante. Proposez-lui de parler de ses sentiments ou orientez-le vers un professionnel de santé mentale, sans le forcer à se confier immédiatement.
Lorsque la tension monte chez votre enfant et qu’il devient de plus en plus irritable ou agressif, il est essentiel de tenter de le calmer en lui proposant des activités distrayantes comme écouter de la musique, regarder un film, ou appeler un ami. Ces activités peuvent aider à détourner son attention de ses pulsions auto-destructrices.
Si la distraction ne fonctionne pas, il est possible d’essayer d’autres méthodes pour dissiper la tension autrement que par la scarification : faire du sport, frapper dans un oreiller, gribouiller sur une feuille ou utiliser une balle anti-stress sont des alternatives possibles. Dans les cas où le besoin de se faire du mal est particulièrement intense, il peut être utile de proposer des substituts moins nocifs, comme se frotter le bras avec un glaçon ou prendre une douche froide.
Il est important, dans ces moments, de ne pas culpabiliser ou rejeter votre enfant, même si ces comportements vous bouleversent. Demandez-lui d’arrêter, mais avec calme et empathie, en gardant en tête qu’il s’agit avant tout de l’expression d’une souffrance psychologique importante.
Toutefois, ne le forcez pas à parler immédiatement de ses comportements d’automutilation. Il est souvent plus productif de poser des questions ouvertes et d'écouter plutôt que de chercher à tout comprendre d'emblée.
Tous les moyens de communication sont valables. Si votre enfant éprouve des difficultés à s’exprimer oralement, proposez-lui d’écrire ses pensées ou de dessiner. Le but est d’instaurer un climat de confiance où il se sent libre de venir à vous quand il le souhaite.
Dans certains cas, les scarifications peuvent être utilisées comme un moyen de manipuler la situation, par exemple pour obtenir des privilèges ou éviter certaines responsabilités. Il est important de ne pas céder à cette dynamique et de maintenir des règles claires, tout en exprimant votre compréhension du fait que votre enfant traverse une période difficile.
Est-ce pour diminuer son anxiété ? Combattre un sentiment de vide ou de solitude ? Reprendre contact avec la réalité ? Chasser des pensées suicidaires ? Ces questions vous permettront de mieux cerner ses besoins émotionnels et de réfléchir ensemble à des alternatives pour remplir cette fonction sans recourir à l’automutilation.
Est-ce après une dispute familiale ? À l’école ? Lorsqu’il est seul ? Identifier ces situations vous aidera à anticiper les moments où il pourrait ressentir le besoin de se faire du mal et à mieux préparer ces périodes critiques.
Ce plan pourrait inclure des stratégies pour mieux gérer ses émotions, des activités de distraction, et des comportements alternatifs à l’automutilation. Il peut être consigné dans un tableau ou dans un journal intime que votre enfant peut partager avec vous ou conserver pour lui-même.
Par exemple, un tableau pourrait lister les moments où il se sent le plus en danger de se scarifier, les émotions qui précèdent ces comportements, et les stratégies pour y faire face.
Bien que ces actes soient rarement des tentatives de suicide, ils sont le signe d’une souffrance émotionnelle qui nécessite une attention spécialisée. Un pédiatre, un médecin généraliste, ou un psychiatre pourra évaluer la situation et vous orienter vers un suivi adapté pour votre enfant.
En cas de doutes ou d’inquiétudes majeures, notamment si les comportements d’automutilation deviennent plus fréquents ou plus graves, il ne faut pas hésiter à se rendre aux urgences pour une évaluation immédiate.
Les scarifications sont un appel à l’aide silencieux, une tentative pour gérer un mal-être profond que l’enfant ou l’adolescent ne parvient pas à exprimer autrement. Comprendre cette souffrance, repérer les signes et créer un environnement de soutien et de dialogue sont des étapes cruciales pour l’accompagner vers un rétablissement.
Cependant, il est important de comprendre que les scarifications ne sont généralement pas le résultat direct d'une mauvaise éducation ou d'un échec parental. Les causes sont souvent complexes et liées à des facteurs émotionnels, sociaux, ou parfois traumatiques. Même si vous vous sentez coupable, il est essentiel de ne pas vous blâmer. Votre enfant traverse une période difficile, et ce qui compte le plus, c’est que vous soyez là pour lui offrir du soutien et de la compréhension.
La peur du jugement ou de la déception peut empêcher un adolescent de se confier. La meilleure approche consiste à ouvrir un espace de discussion bienveillant, sans pression. Vous pourriez dire quelque chose comme : "Je vois que tu traverses un moment difficile, et je suis là pour t’écouter quand tu te sentiras prêt." Il est important de respecter son rythme et de lui laisser l’opportunité de s’exprimer à sa manière, que ce soit verbalement, par écrit, ou même à travers des activités créatives.
Les scarifications peuvent s’arrêter spontanément chez certains adolescents, mais pour d'autres, elles peuvent persister ou même s’intensifier. Il est donc important de ne pas ignorer ces comportements et de chercher un soutien psychologique adapté. L’aide d’un psychothérapeute peut permettre à votre enfant de mieux comprendre ses émotions et d’apprendre des stratégies alternatives pour les gérer.
En général, il est préférable de respecter la confidentialité de votre enfant et d’éviter de divulguer ces informations sans son consentement. Toutefois, si vous sentez que l’environnement scolaire joue un rôle dans son mal-être (comme le harcèlement, le stress des examens), vous pourriez envisager de discuter avec un conseiller scolaire ou un enseignant de confiance, tout en protégeant la vie privée de votre enfant. L’essentiel est de trouver un équilibre entre le soutien extérieur et le respect de son intimité.
Selon certaines études, environ 10 à 30 % des jeunes admettent s’être déjà auto-mutilés à un moment de leur vie. Cette souffrance silencieuse est malheureusement partagée par de nombreux adolescents, souvent en réponse à des pressions émotionnelles. Cela ne rend pas la situation moins sérieuse, mais savoir que d'autres familles vivent la même chose peut parfois aider à dédramatiser le sentiment d'isolement.
Les scarifications sont souvent associées à des troubles de l’humeur tels que la dépression ou l’anxiété. Cependant, elles ne sont pas toujours le signe d’un trouble mental grave. Elles peuvent être une réponse temporaire à une situation de stress intense, une manière de gérer des émotions trop envahissantes. Cela dit, il est important de consulter un professionnel de la santé mentale pour évaluer la situation dans sa globalité et voir s’il y a des troubles sous-jacents nécessitant un traitement.
Dans ces moments-là, il est important de ne pas forcer la situation, car cela pourrait aggraver leur sentiment de rejet ou renforcer leur isolement. Vous pouvez proposer des alternatives moins intimidantes, comme parler à un conseiller scolaire ou essayer des plateformes en ligne, qui offrent un espace plus anonyme et potentiellement plus confortable pour eux.
Toutefois, en tant que parent, vous avez la possibilité de consulter un professionnel vous-même, même sans la participation de votre enfant. Dans le cadre d’une approche thérapeutique telle que la thérapie stratégique systémique, les parents jouent un rôle crucial et peuvent agir comme de véritables "co-thérapeutes". En effet, en travaillant avec un psychothérapeute, vous pouvez obtenir des outils et des stratégies pour comprendre et mieux gérer la situation, ce qui peut indirectement aider votre enfant à long terme. Ce type d’accompagnement parental permet d'apporter des changements dans l’environnement familial sans nécessairement avoir besoin de la participation directe de l'adolescent, facilitant ainsi une approche plus douce et indirecte.
L’important est de montrer à votre enfant que vous êtes là pour le soutenir, sans pression, tout en lui faisant comprendre que consulter un professionnel reste une option ouverte. Cela permet de maintenir une porte ouverte vers l’aide psychologique sans provoquer de confrontation directe.
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