Famille recomposée, comment composer avec les enfants de mon conjoint ?
21/9/2024

Famille recomposée, comment composer avec les enfants de mon conjoint ?

Faire face au rejet ou à la jalousie des enfants dans une famille recomposée peut être éprouvant. Trouver sa place sans imposer sa présence et comprendre les émotions contradictoires des enfants sont des étapes essentielles pour bâtir une relation harmonieuse.

Pourquoi la rencontre avec les enfants peut-elle être un choc émotionnel ?

Lorsque vous vous engagez dans une relation avec une personne qui a déjà des enfants, vous entrez souvent dans un univers émotionnel intense et délicat.

La rencontre avec ces enfants peut être un véritable choc, à la fois pour vous et pour eux. Pourquoi ?

Parce qu'une nouvelle dynamique familiale se crée, et avec elle surgissent des sentiments contradictoires comme la jalousie, l’insécurité, voire le rejet. Les enfants peuvent voir votre arrivée comme une intrusion dans une structure déjà établie, une famille qu'ils essaient encore de comprendre et de gérer après une séparation ou un divorce.

Ce choc émotionnel initial est souvent ressenti des deux côtés : les enfants peuvent percevoir votre présence comme une menace potentielle à l'équilibre émotionnel qu'ils ont avec leur parent, tandis que vous pouvez vous sentir en décalage face à cette famille à laquelle vous devez vous adapter. Une recherche menée par Juby et Le Bourdais (2015) montre que les premières interactions dans une famille recomposée sont souvent marquées par des tensions, causées en partie par la difficulté des enfants à accepter un nouveau parent dans leur vie.

Comment se manifeste la peur de remplacer le parent biologique ?

L’une des principales difficultés pour les beaux-parents est cette peur omniprésente de remplacer, ou du moins d’être perçu comme cherchant à remplacer, le parent biologique.

Cette situation peut être délicate pour vous, beaux-parents, car vous voulez probablement trouver votre place dans la vie de ces enfants sans pour autant leur donner l’impression que vous tentez de prendre la place de l’un de leurs parents.

Du côté des enfants, cette peur est tout aussi palpable.

Même si votre intention n’est pas de remplacer leur père ou leur mère, l’enfant peut ressentir une certaine loyauté envers le parent absent, qu’il soit présent physiquement ou non. En conséquence, il peut rejeter vos efforts de rapprochement, par crainte de trahir ce parent biologique. La littérature montre que cette dynamique peut engendrer un sentiment de culpabilité chez l'enfant, accentuant encore le fossé entre vous deux (Poussin & Martin, 2018). Vous vous retrouvez alors face à un dilemme :

comment créer une relation authentique avec l'enfant sans que cela ne soit perçu comme une menace ?

Les enfants peuvent-ils être jaloux de la relation que vous entretenez avec leur parent ?

La jalousie est un sentiment courant dans les familles recomposées, souvent exprimé par les enfants.

Cette émotion naît souvent de la perception que le nouveau conjoint monopolise l’attention et l’affection de leur parent. Il n'est pas rare que vous, beaux-parents, vous retrouviez au cœur de ce tourbillon émotionnel sans même en comprendre l'origine.

Du point de vue de l’enfant, il peut sembler que la personne qui entre dans la vie de son parent vient usurper une place privilégiée, une relation intime qu’il pensait unique. Pour un enfant, voir son père ou sa mère en couple avec une autre personne peut provoquer un sentiment de rivalité intense, surtout si le parent en question a été le centre de son univers pendant longtemps après une séparation. Comme le souligne une étude de Boisvert et Vinet (2016), la jalousie dans les familles recomposées est souvent exacerbée par la crainte pour l’enfant de perdre son statut particulier auprès du parent qu’il aime profondément.

Pourquoi la mise en place d’un rôle d’autorité est-elle si complexe ?

Le rôle d’autorité est une autre épine dans le pied des relations entre beaux-parents et enfants.

En tant que beau-parent, vous êtes souvent dans une position délicate : devez-vous vous imposer comme une figure d’autorité ? Ou bien laisser cette responsabilité au parent biologique ? Cette question, apparemment simple, soulève en fait un ensemble complexe de problématiques.

Les enfants, en particulier les adolescents, peuvent percevoir l’autorité d’un beau-parent comme une intrusion illégitime.

En l'absence d'une relation de confiance préétablie, l'enfant peut refuser toute tentative de discipline de votre part, considérant que seul le parent biologique a ce droit. Selon Poussin et Martin (2018), ce rejet de l'autorité du beau-parent est souvent lié à un manque de reconnaissance de ce dernier comme membre légitime de la famille.

De plus, la société elle-même véhicule des attentes floues quant au rôle que doit jouer un beau-parent.

Vous pouvez vous retrouver dans une position où ni la permissivité ni la fermeté ne semblent convenir, rendant toute tentative de prendre un rôle d’autorité encore plus délicate. Cette ambivalence est d’autant plus exacerbée lorsque l’autre parent biologique (celui qui n’est plus en couple avec votre conjoint) joue encore un rôle actif dans la vie des enfants, ce qui complique encore la gestion des limites et des règles au sein de la famille.

Le rejet des beaux-parents est-il inévitable dans certaines situations ?

Le rejet que vous pouvez parfois ressentir de la part des enfants de votre conjoint peut être l’un des aspects les plus difficiles à vivre en tant que beau-parent.

Ce rejet peut être direct, avec des comportements d’opposition claire, ou plus subtil, sous forme d’une distance émotionnelle.

Il n’est pas rare que ce rejet soit lié à la loyauté envers le parent biologique, ou même à une incompréhension profonde de votre rôle. Dans certains cas, les enfants peuvent même espérer inconsciemment que leur parent biologique se remette avec l’autre parent, et votre présence devient alors un obstacle à cette vision idéalisée. Comme le décrivent Lamarche et Drapeau (2017), ces situations de rejet peuvent perdurer pendant des années, créant un fossé entre le beau-parent et l’enfant qu’il tente d’accepter et d’aimer.

Ce rejet n’est pas toujours conscient de la part des enfants. En effet, certains d'entre eux peuvent ressentir de l’ambivalence ou de la confusion quant à la façon de gérer cette nouvelle relation. Ils peuvent vous aimer ou apprécier certains aspects de votre présence, mais se sentir incapables de l’exprimer de peur de trahir leur parent biologique.

Quelles sont les limites à respecter pour ne pas heurter les enfants ?

Dans ce contexte délicat, la question des limites devient capitale.

Vous pouvez être confronté à une série de dilemmes : jusqu’où aller dans votre relation avec les enfants ? À quel moment faut-il prendre du recul pour ne pas perturber l’équilibre fragile de cette famille recomposée ?

Les enfants, particulièrement ceux en bas âge ou à l’adolescence, sont souvent très sensibles aux gestes d’affection ou d'autorité venant d’un beau-parent. Pour certains, voir leur parent biologique s’ouvrir à un nouveau conjoint est une épreuve émotionnelle qui peut les rendre vulnérables et prompts à réagir de manière défensive. Une étude de Boisvert et Vinet (2016) met en lumière l'importance des frontières familiales dans le développement harmonieux d'une famille recomposée, soulignant que les enfants peuvent se sentir envahis ou, au contraire, abandonnés si ces limites ne sont pas clairement établies.

Pourquoi est-il si difficile de trouver un équilibre ?

L'équilibre, dans une famille recomposée, est peut-être l'un des plus grands défis que vous rencontrerez en tant que beau-parent.

Il s'agit de trouver une place qui respecte à la fois les besoins de votre conjoint, de ses enfants, mais aussi les vôtres.

Le rôle que vous endossez n’est pas toujours défini et peut évoluer avec le temps, ce qui ajoute une couche supplémentaire de complexité.

Certaines études récentes, telles que celles de Poussin et Martin (2018), montrent que le processus de recomposition familiale est souvent marqué par une recherche constante d'équilibre, tant sur le plan émotionnel que relationnel. Vous pouvez vous sentir tiraillé entre l’envie de participer activement à la vie de cette nouvelle famille et la nécessité de laisser le temps faire son œuvre, pour que chacun trouve naturellement sa place.

La complexité réside aussi dans les attentes implicites que chacun nourrit au sein de cette nouvelle structure.

Vous pouvez avoir des idées sur ce que devrait être un "bon" beau-parent, tandis que les enfants peuvent avoir leurs propres attentes, souvent influencées par leur expérience passée et leurs relations avec leurs parents biologiques.

Réponse aux questions fréquentes que vous vous posez

Les enfants de mon conjoint ne m'acceptent pas, que faire ?

Vous vous trouvez plongé dans un tourbillon d'émotions, confronté à un rejet que vous n'aviez peut-être pas anticipé.

Le regard froid ou distant des enfants de votre conjoint, cette impression persistante d’être un intrus dans leur univers familial, peuvent être dévastateurs. Ils vous voient parfois comme une menace, une figure qui bouleverse l'équilibre fragile de leur vie déjà marquée par la séparation de leurs parents.

Ce rejet n'est pas personnel, bien que chaque silence, chaque porte qui se ferme brusquement puisse résonner en vous comme un coup direct à votre cœur.

La tentation de vouloir forcer les choses, de chercher à accélérer le processus d’acceptation est grande, mais attention.

Plus vous pousserez, plus leur résistance grandira. Chaque tentative mal accueillie peut renforcer la distance entre vous. Il faut du temps. Parfois, ce temps semble interminable, chaque jour passé sans le moindre signe d’ouverture vous donnant l’impression de marcher sur un chemin semé d’embûches, mais ce n’est qu’à travers une patience inébranlable que la situation pourra évoluer.

Il est vital de ne pas vous isoler dans cette lutte silencieuse.

Votre partenaire doit être à vos côtés, prêt à naviguer avec vous dans ces eaux tumultueuses. Vous n’êtes pas seul(e) dans cette quête d’harmonie familiale. Ensemble, vous devez trouver des moyens de rassurer les enfants, leur montrer que leur place auprès de leur parent est inaltérable, que vous n’êtes pas là pour détruire ce qu’ils ont toujours connu. Et pourtant, dans leur esprit, le spectre du remplacement hante chaque geste de votre part.

Les enfants peuvent être remplis de peurs qu'ils n'expriment pas, mais qui se manifestent par leur distance ou leur colère. Ils redoutent de trahir leur parent biologique, d'oublier ce passé qui, malgré les fissures, reste gravé en eux. Chaque sourire que vous échangez avec leur parent, chaque moment partagé, peut être vécu comme une blessure supplémentaire pour eux. Ils vous jugent parfois sévèrement, non parce qu’ils ne veulent pas vous connaître, mais parce qu’ils craignent de perdre une partie d’eux-mêmes dans cette nouvelle dynamique.

Comment gérer la jalousie des enfants ?

La jalousie peut se transformer en une force destructrice au sein de la famille recomposée. Imaginez la douleur que ressent un enfant en voyant son parent se tourner vers quelqu'un d'autre pour l'affection, après avoir été leur seul repère. Vous devenez malgré vous le rival dans cette lutte silencieuse pour l’amour et l'attention du parent. Il est essentiel de leur montrer qu’ils ne perdront jamais leur place dans le cœur de leur père ou de leur mère.

Comment m’imposer comme figure d’autorité sans provoquer de tensions ?

Être une figure d’autorité dans une famille recomposée est un rôle périlleux. Les enfants peuvent vous percevoir comme un étranger qui n'a pas le droit de dicter les règles dans leur foyer. Chaque tentative d'exercer une quelconque forme d'autorité peut se heurter à une rébellion silencieuse, une résistance sourde. Il est crucial de gagner leur respect avant de vouloir imposer quoi que ce soit.

Combien de temps faut-il pour qu'une relation avec les enfants s’établisse ?

Le temps… Cet ennemi invisible qui semble s’étirer à l’infini. Il n’y a pas de durée prédéfinie, pas de solution magique. Cela peut prendre des mois, des années même. Mais un jour, sans que vous vous y attendiez, une porte s’ouvrira peut-être. Un geste, un sourire, un mot. Cela viendra doucement, si vous laissez chaque chose suivre son cours.

Dans cette aventure émotionnelle intense, le rejet, la jalousie et l’incertitude sont des compagnons fréquents, mais il y a toujours de l'espoir. Avec de la patience, de la compréhension et beaucoup de cœur, les murs peuvent finir par s'effondrer, laissant place à des liens profonds et authentiques.

Vous l'avez compris, la relation entre beaux-parents et enfants est loin d’être simple.

Entre la peur de remplacer le parent biologique, la gestion de la jalousie, et les tensions liées à l’autorité, chaque situation est unique et exige une approche délicate. Toutefois, ce parcours, bien que semé d’embûches, est aussi une opportunité de construire des liens profonds et authentiques, même si ces derniers prennent du temps à s’établir. Comme le disent si bien Juby et Le Bourdais (2015) : "La recomposition familiale est une aventure à multiples facettes, où chaque protagoniste, qu’il soit enfant, parent ou beau-parent, doit apprendre à naviguer dans des eaux parfois agitées, mais riches en découvertes."

Références
Boisvert, M.-C., & Vinet, E. (2016). Les défis de la famille recomposée : la construction des relations entre beaux-parents et enfants. Revue Québécoise de Psychologie, 37(2), 123-145.
Juby, H., & Le Bourdais, C. (2015). La recomposition familiale au Québec : évolution et défis. Population et Société, 534, 1-4.
Lamarche, P., & Drapeau, S. (2017). Le rejet des beaux-parents dans les familles recomposées : une dynamique sous-estimée. Revue Canadienne de Thérapie Familiale, 34(1), 22-36.
Poussin, G., & Martin, S. (2018). Les beaux-parents et l'autorité dans les familles recomposées : enjeux et résistances. Psychologie Française, 63(3), 207-217.
Par Frédérique Korzine,
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