L'analyse existentielle, également appelée psychothérapie existentielle, est une approche thérapeutique distincte qui met l'accent sur la manière dont les individus vivent et se rapportent à leur propre existence. À travers un dialogue avec le thérapeute, vous explorez vos expériences, non pas en tant que symptômes à traiter, mais comme des éléments significatifs de votre rapport au monde. Cet article vous propose de répondre aux questions les plus fréquemment posées sur cette méthode.
Cette approche s'appuie sur les travaux de philosophes tels que Martin Heidegger et Jean-Paul Sartre, ainsi que sur des pionniers de la psychologie comme Ludwig Binswanger et Medard Boss (Barbier, 2015). L'objectif principal de l'analyse existentielle est de comprendre l'être humain dans sa globalité, en tenant compte non seulement des aspects psychiques, mais aussi des dimensions spirituelles et relationnelles de la personne.
Contrairement à la psychothérapie traditionnelle, qui peut se concentrer sur la gestion des symptômes ou la modification des comportements, l'analyse existentielle s'intéresse à la manière dont vous faites l'expérience de la vie dans un cadre plus vaste. Cela inclut des questions sur le sens de la vie, la liberté, la mort et la responsabilité (Heidegger, 1927/2005).
Binswanger (1946) a été l'un des premiers à articuler une vision thérapeutique centrée sur le "Dasein", terme qui signifie "être-là", dans le sens de la manière dont une personne est présente au monde et avec les autres. L'analyse existentielle ne vise pas à diagnostiquer des maladies mentales, mais plutôt à aider les individus à se comprendre eux-mêmes dans la structure de leur existence (Boss, 1979).
Ces séances sont souvent décrites comme une rencontre entre deux existences : la vôtre et celle du psychothérapeute. Il s'agit d'une relation de co-présence, où le psychothérapeute est un guide qui vous aide à explorer vos expériences, mais sans imposer d'interprétations ou de solutions (Längle, 2013).
Plutôt que de se concentrer sur des souvenirs du passé ou des projections dans le futur, cette méthode met l'accent sur l'expérience présente, sur ce que vous ressentez et vivez à l'instant de la séance (Van Deurzen, 2012). Le psychothérapeute ne cherche pas à "réparer" un problème, mais à accompagner le patient dans l'exploration de sa propre expérience du monde, avec toutes ses contradictions et incertitudes.
La thérapie existentielle s'appuie sur des idées issues de la philosophie existentialiste, notamment les œuvres de Sartre, Heidegger et Kierkegaard (Cohn, 1997).
L'un des concepts clés est celui de la liberté. Dans la perspective existentialiste, vous êtes fondamentalement libre, mais cette liberté peut être angoissante car elle implique de devoir choisir sans garanties. Sartre (1943/1996) exprime cette idée en déclarant que « l'homme est condamné à être libre ». Ce sentiment de liberté peut être à la fois une source de pouvoir et de fardeau, car il implique une grande responsabilité personnelle dans les choix que vous faites.
La psychothérapie existentielle utilise ces concepts pour vous aider à comprendre que vos angoisses, vos dilemmes, et vos questionnements sont des aspects essentiels de l'existence humaine, plutôt que des pathologies à corriger. Cette perspective philosophique libère le thérapeute de la nécessité de poser des étiquettes pathologiques sur les expériences humaines, comme c'est souvent le cas dans d'autres approches thérapeutiques (Spinelli, 2007).
Cette approche est particulièrement adaptée aux personnes qui traversent des périodes de crise existentielle, qui ressentent un vide intérieur, ou qui sont confrontées à des questionnements sur le sens de la vie. Elle est aussi pertinente pour ceux qui se trouvent dans une phase de transition importante, comme un changement de carrière, une perte, ou une remise en question de leur place dans le monde (Van Deurzen, 2012).
Cette méthode peut également être utile pour les personnes souffrant de dépression, d'anxiété ou de troubles de l'humeur, à condition qu'elles soient prêtes à aborder ces troubles sous un angle existentiel, c'est-à-dire non comme des maladies à "guérir", mais comme des manifestations d'une difficulté à se positionner dans le monde (Barbier, 2015).
Alors que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) se concentre sur la modification des pensées et des comportements problématiques, et que la psychanalyse met l'accent sur l'exploration des conflits inconscients, l'analyse existentielle adopte une approche radicalement différente.
L'analyse existentielle ne s'intéresse pas aux diagnostics ou aux symptômes en tant que tels, mais cherche à comprendre comment ces symptômes s'inscrivent dans la vie de la personne. En d'autres termes, elle considère les difficultés psychologiques comme des expériences humaines normales qui révèlent quelque chose de fondamental sur la manière dont vous vous rapportez au monde (Cohn, 1997). Cette approche est donc plus philosophique et moins médicale que d'autres formes de thérapie.
Ce que vous pouvez attendre, c'est une exploration profonde de vous-même et de votre rapport au monde. L'objectif de la psychothérapie existentielle est de vous permettre de mieux comprendre qui vous êtes, de prendre conscience de vos choix et de vos responsabilités, et d'accepter les incertitudes inhérentes à l'existence humaine (Spinelli, 2007).
Quelle est la signification de cette expérience ? Comment puis-je vivre plus authentiquement ? Qu'est-ce que la liberté signifie pour moi ? Ces questions peuvent ouvrir des perspectives nouvelles et permettre une transformation personnelle, mais elles nécessitent également une ouverture à l'inconnu et à l'inconfort que peuvent provoquer les réponses (Längle, 2013).
La réponse dépend de chaque individu et de la nature de ses difficultés. Cette approche peut être adaptée aux personnes qui, malgré leurs troubles, sont capables de réfléchir sur le sens de leur souffrance et de participer activement à une démarche d'exploration personnelle. Toutefois, elle n'est pas toujours indiquée pour des patients en phase aiguë de psychose ou de dépression sévère, où une prise en charge médicale plus structurée peut être nécessaire (Boss, 1979).
Elle peut ne pas convenir aux personnes qui cherchent des solutions rapides ou des interventions symptomatiques. De plus, elle peut être déstabilisante pour certaines personnes, car elle les confronte à des questions existentielles difficiles, telles que la mort, la solitude ou la responsabilité (Cohn, 1997).
Il est également important de noter que cette approche demande un engagement personnel profond et un certain degré de réflexion philosophique. Les personnes qui préfèrent une approche plus directive ou axée sur les solutions pourraient trouver l'analyse existentielle frustrante ou trop abstraite.
Cette approche, ancrée dans la philosophie existentialiste, vous invite à réfléchir à des questions fondamentales sur la liberté, la responsabilité, et l'authenticité. Bien qu'elle ne propose pas de solutions simples ou rapides, elle peut constituer une voie vers une meilleure compréhension de soi et une plus grande liberté d'action dans le monde. Comme le disait Sartre (1943/1996), « l'homme est une infinité de possibilités », et l'analyse existentielle cherche précisément à vous aider à explorer ces possibilités.
Références
Barbier, J. M. (2015). Psychologie existentielle et accompagnement. L'Harmattan.
Binswanger, L. (1946). Introduction à l'analyse existentielle. Cahiers de psychologie clinique.
Boss, M. (1979). Existential foundations of medicine and psychology. Jason Aronson.
Cohn, H. W. (1997). Existential thought and therapeutic practice: An introduction to existential psychotherapy. SAGE Publications.
Heidegger, M. (2005). Être et temps (J. Greisch, Trans.). Gallimard. (Original work published 1927)
Längle, A. (2013). La logothérapie et l'analyse existentielle. Desclée de Brouwer.
Sartre, J. P. (1996). L'Être et le Néant (Vol. 1). Gallimard. (Original work published 1943)
Spinelli, E. (2007). Practising existential psychotherapy: The relational world. SAGE Publications.
Van Deurzen, E. (2012). Existential counselling and psychotherapy in practice (3rd ed.). SAGE Publications.