La sexualité occupe aujourd’hui une place centrale dans notre société : omniprésente dans les médias, banalisée, hypervalorisée, parfois même instrumentalisée.Mais à force de la surexposer, ne risquons-nous pas de masquer ce qu’elle peut aussi dissimuler : une véritable souffrance ?Loin de l’image d’une sexualité débridée ou simplement "trop active", l’addiction sexuelle est une réalité clinique bien plus complexe et douloureuse. Elle emprisonne ceux qui en souffrent dans un engrenage où le plaisir a cédé la place à la compulsion.Car l’addiction n’est pas un excès de désir, mais la perte du choix.Comment la reconnaître ? Quels sont ses mécanismes psychiques ? Pourquoi est-elle si difficile à dépasser ? Comment s’en libérer ?
« Ce n’est pas le sexe qui est en cause, c’est le lien qu’on en fait. »
— Didier Anzieu
La personne concernée peut consommer de façon excessive de la pornographie, se masturber de manière compulsive, multiplier les partenaires sans affect ni véritable érotisme, recourir régulièrement à la prostitution ou adopter des comportements à risques.
Mais ce n’est pas tant la nature de ces actes qui pose problème que leur fonction.
« Le plaisir cesse d’être l’objectif, il devient un simple soulagement d’angoisse. »
Il faut comprendre ici que l’acte sexuel perd son sens initial :
Ce n’est plus un espace de rencontre, de plaisir, de jeu ou d’expression du désir. Il devient un automatisme, un passage à l’acte qui, paradoxalement, apaise temporairement la souffrance tout en l’aggravant. Car aussitôt le soulagement obtenu, c’est un vide plus profond encore qui revient.
Le sujet n’a plus la main. Même quand il sait. Même quand il veut arrêter.
L’acte survient comme une nécessité intérieure qui court-circuite toute réflexion.
À ce moment-là, la sexualité n’est plus un lieu de plaisir mais une réponse à quelque chose de plus profond : une angoisse, un traumatisme, une détresse souvent ancienne et inaperçue.
Ils savent.
Ils veulent arrêter.
Mais ils n’y arrivent pas.
Ce n’est pas par manque de volonté, ni par ignorance des conséquences.
« Le sujet ne veut pas ce qu’il fait, mais il ne peut pas s’en empêcher. » — Jean Bergeret
C’est là que réside la cruauté du processus addictif : ce qui fut autrefois un espace de plaisir, d’excitation ou de transgression contrôlée s’est peu à peu transformé en répétition aliénante.
Le sujet ne répond pas à son désir, il tente d’éteindre, par l’acte, une tension intérieure qu’il ne peut ni contenir, ni penser, ni dire.
À ce stade, la sexualité n’est plus une source d’épanouissement. Elle devient un mécanisme de survie, une réponse de secours face à l’angoisse ou à un vide existentiel.
Le plaisir, quand il est encore présent, est souvent fugace, déconnecté de l’émotion, vidé de sa dimension vivante.
Et dans bien des cas, ce n’est même plus du plaisir, mais un simple soulagement provisoire d’une tension devenue insupportable.
Ce paradoxe nourrit alors un cercle vicieux : plus l’angoisse est forte, plus le besoin de se soulager par la compulsion devient pressant, malgré la certitude de retomber aussitôt dans le mal-être.
Le sexe occupe constamment l’espace psychique.
Pensées intrusives, fantasmes répétés, scénarios mentaux envahissants s’imposent, parfois même sans lien avec le contexte, jusqu’à parasiter la concentration, les relations et le sommeil. Le sujet n’arrive plus à éloigner ces images ou idées malgré ses efforts.
Malgré la volonté d’arrêter, malgré les promesses faites à soi-même ou aux autres, les actes se répètent.
L’anticipation, l’excitation et le passage à l’acte s’imposent de façon quasi automatique, et la personne assiste, impuissante, à la reproduction de comportements qu’elle ne souhaite pourtant plus.
La sexualité n’est plus le fruit d’un désir vivant, mais d’une réponse mécanique.
Le passage à l’acte n’est plus choisi. C’est une habitude contrainte, vécue parfois avec détachement, parfois avec anxiété, mais toujours sans la liberté de dire non.
Multiplication de situations potentiellement dangereuses, abandon des protections, exposition à des risques sanitaires, affectifs ou sociaux.
Dans certains cas, ces comportements flirtent avec la loi ou les limites personnelles du sujet, au point de générer frayeur ou culpabilité après coup.
L’addiction enferme. Peu à peu, les liens affectifs s’effilochent. Les relations intimes ou amicales deviennent source de honte, de peur d’être démasqué, ou d’évitement. Certains patients s’éloignent de tout entourage, préférant rester seuls pour maintenir leur rituel.
Après l’acte, la culpabilité est souvent écrasante.
Le patient a honte de ses gestes, de ses pensées, parfois même de ce qu’il imagine qu’on pourrait penser de lui s’il était découvert. Cette honte pousse parfois à une forme de double vie, nourrie de mensonges et de dissimulations.
En s’accumulant, les échecs à enrayer la compulsion dégradent progressivement l’image de soi.
Le sujet se perçoit comme « faible », « sale », « sans valeur », contribuant ainsi à renforcer le cercle vicieux. Plus il se sent indigne, plus il cherche à se soulager… en répétant le passage à l’acte.
Ce tableau est souvent aggravé par le silence dans lequel l’addiction enferme.
La personne vit avec ce poids sans oser le dire, prisonnière de sa honte et de la peur du regard d’autrui.
« L’addiction sexuelle n’est pas seulement un trouble du comportement, c’est aussi une souffrance muette. » — Alberto Eiguer
Contrairement à certaines idées reçues, l’addiction sexuelle n’est pas définie par le nombre de rapports, la diversité des pratiques ou la fréquence de la masturbation.
Elle ne dépend pas non plus de l’orientation sexuelle ou du style de vie.
Choisir quand, comment, avec qui, dans quelle modalité, et surtout de pouvoir renoncer sans douleur.
Dans l’addiction sexuelle, c’est l’inverse :
Le sujet n’agit plus par désir, mais par nécessité.
Les actes sont répétés, parfois en contradiction avec ses valeurs, malgré l’intention d’arrêter ou de freiner.
Derrière la sexualité compulsive se cache moins une recherche de plaisir qu’une tentative désespérée de soulager une tension interne, souvent mal identifiée.
« Là où le désir suppose un lien à l’autre, l’addiction sexuelle détourne de la rencontre. »
— Alberto Eiguer
La sexualité compulsive est parfois banalisée sous couvert d’« hyper-libération sexuelle ».
Beaucoup de patients se demandent :
Or, l’addiction sexuelle ne relève pas d’un « excès » de libido, mais d’une aliénation intérieure.
Le sujet n’est plus libre de dire non, même s’il en ressent le besoin.
Et cette perte de liberté va souvent de pair avec l’installation d’un profond mal-être psychique.
« Dans l’addiction sexuelle, ce n’est pas l’intensité du plaisir qui prédomine, mais la nécessité d’apaiser l’angoisse. »
— René Roussillon
L’addiction sexuelle ne prend pas une seule forme. Elle est protéiforme, c’est-à-dire qu’elle se manifeste de multiples manières selon les sujets, leur histoire, leur environnement et leur mode d’expression de la souffrance.
Ce qui unit toutes ces formes, c’est l’impossibilité de se dégager du cercle de la compulsion malgré la conscience du mal-être.
« L’addiction est la répétition d’un même scénario dont le sujet n’arrive pas à sortir. »
— René Kaës
Certains patients se perdent dans la pornographie compulsive, d'autres enchaînent les rencontres sexuelles sans affect, tandis que certains s’épuisent dans la masturbation compulsive, parfois jusqu’à l’épuisement physique. D’autres encore ont recours de façon régulière à la prostitution ou recherchent des sensations de plus en plus à risque.
Certaines personnes passent plusieurs heures chaque jour à regarder des vidéos ou images, jusqu’à sacrifier des pans entiers de leur vie affective, sociale ou professionnelle.
Le plaisir initial s’estompe au profit d’un automatisme.
L’acte n’est plus motivé par le désir, mais par le besoin d’apaiser une tension interne devenue chronique.
Dans l’addiction sexuelle, elle devient compulsive, répétée de manière mécanique, parfois jusqu’à l’épuisement ou la douleur physique.
Le plaisir s’érode, remplacé par une ritualisation anxieuse du geste.
Il ne s’agit pas d’expérimenter ou de rechercher du plaisir partagé, mais de répondre à une impulsion irrésistible.
Pourtant, elles se répètent, alimentées par le besoin de calmer une tension interne.
Certains s’y engagent malgré la honte, les risques financiers ou affectifs, sans parvenir à interrompre ces passages à l’acte.
Ce recours devient l’unique moyen pour certains patients de parvenir à l’acte sexuel, non par choix, mais parce qu’il garantit une forme de contrôle, tout en leur permettant d’éviter l’affect et la rencontre subjective avec l’autre.
Rapports non protégés, comportements exhibitionnistes ou voyeuristes, participation à des pratiques dangereuses...
L’escalade est souvent progressive, guidée par le besoin d’intensifier l’acte pour obtenir un soulagement.
On ne cherche pas « plus de plaisir », mais à étouffer l’angoisse par l’intensité.
Il ne s’agit pas ici de juger la nature des fantasmes — qui appartiennent à l’intimité de chacun — mais d’observer si ceux-ci deviennent la seule voie possible d’accès à la sexualité, au détriment de toute liberté et de toute souplesse psychique.
Cette logique n’a rien à voir avec le désir, l’érotisme ou la curiosité sexuelle.
Elle est le signe d’une souffrance profonde, d’autant plus difficile à penser que l’acte compulsif vient court-circuiter toute élaboration psychique.
« Dans l’addiction, l’acte n’est plus un choix. Il est une réponse automatique à ce que le sujet ne peut pas dire. » — Jean Bergeret
En réalité, elle fonctionne comme une tentative de solution face à une souffrance psychique souvent ancienne, enfouie, parfois inconsciente.
« Le symptôme n’est pas l’ennemi, mais la réponse la plus supportable trouvée par le sujet. »
— René Roussillon
« L’acte est ce par quoi le sujet cherche à éteindre l’angoisse qu’il ne peut dire. » — Didier Anzieu
La rencontre est évitée, la sexualité est vidée de sa dimension relationnelle.
Là où le sujet devrait pouvoir dire :
Mais ce soulagement est de courte durée.
Car en évitant l’élaboration psychique, l’angoisse revient inexorablement.
Et avec elle, la compulsion.
Le passage à l’acte sexuel devient le langage du corps là où les mots font défaut.
« Dans l’addiction, l’acte est le seul langage que le sujet croit encore posséder. »
— Jean Bergeret
Et pourtant, ce n’est ni une perversion, ni une fatalité.
C’est une tentative de solution face à un conflit interne.
La question n’est pas tant :
« Pourquoi suis-je addict au sexe ? »
Mais plutôt :
« De quoi suis-je prisonnier ? Quelle angoisse m’échappe ? Quelle blessure n’a pas pu être élaborée ? »
Cette impossibilité n’est pas liée à un manque de volonté, comme on l’entend trop souvent, mais à la nature même du processus addictif, qui s’organise autour d’un cercle vicieux psychique et corporel.
Chaque passage à l’acte vient diminuer, parfois de façon spectaculaire, la tension interne, l’angoisse ou la sensation de vide.
Pour un temps très court, le sujet se sent apaisé.
Cette sensation, bien qu’éphémère, agit comme une récompense :
le corps et le psychisme enregistrent que l’acte permet de faire cesser l’inconfort.
C’est ainsi que se met en place un conditionnement :
à chaque montée d’angoisse, la réponse réflexe devient l’acte sexuel compulsif.
Très vite, l’angoisse revient, parfois encore plus forte, générant un effet rebond.
Le passage à l’acte n’a pas réglé le problème de fond, il n’a fait que le temporiser.
Face à la montée de la tension suivante, la personne se sent encore plus démunie… et redevient dépendante du même acte.
C’est ce que l’on nomme en psychologie un renforcement négatif :
ce n’est pas le plaisir qui motive l’acte, mais la volonté d’éviter la souffrance.
« L’addiction n’est pas l’amour du plaisir, c’est la fuite de la douleur. » — Jean Bergeret
Le passage à l’acte sexuel entraîne la libération de dopamine et d’endorphines, hormones liées au soulagement et au plaisir immédiat.
Plus l’acte est répété, plus le cerveau associe la décharge sexuelle à un soulagement nécessaire.
Le sujet devient donc à la fois :
Le sentiment de honte est immense.
Certains patients rapportent :
« Je me dégoûte moi-même »
« J’ai l’impression d’être un imposteur »
La dépendance sexuelle devient alors taboue, même dans l’espace thérapeutique.
La peur du regard de l’autre renforce l’isolement, accentue la détresse, et diminue d’autant plus la capacité du sujet à symboliser ce qu’il vit.
Et chaque tour de ce cycle fragilise encore plus l’estime de soi, l’autonomie, la capacité à penser et à parler ce qui se joue.
« L’addiction sexuelle fonctionne comme une boucle fermée qui empêche le sujet de rencontrer son angoisse autrement que dans l’acte. » — René Roussillon
Cette hypersexualisation rend encore plus difficile pour le sujet addict de reconnaître qu’il est en souffrance.
Pour beaucoup, ce n’est qu’après des années d’errance, de tentatives d’abstinence échouées, de ruptures affectives et d’épuisement moral que la question de l’addiction sexuelle est enfin posée.
Ce qui est en jeu dépasse de loin la simple volonté. Il s’agit de se confronter à l’angoisse, au vide intérieur, et à ce que l’addiction tentait maladroitement de camoufler.
« Ce n’est pas l’addiction qu’il faut d’abord combattre, mais l’angoisse qu’elle masque. »
— Didier Anzieu
Au contraire, cela permet souvent de retrouver un désir vivant, de se réapproprier le lien, et de réinscrire la sexualité dans l’échange et le plaisir, plutôt que dans la répétition.
Le traitement de l’addiction sexuelle repose sur plusieurs axes complémentaires. Il n’existe pas de méthode unique, mais plusieurs leviers thérapeutiques adaptés selon l’histoire du sujet et l’ampleur de la dépendance.
Elle permet d’explorer ce qui, dans l’histoire du sujet, dans ses vécus précoces, dans son rapport à l’affect et à l’angoisse, est à l’origine de cette compulsion sexuelle.
Le travail thérapeutique offre au patient un espace où l’angoisse pourra être mise en mots au lieu d’être déchargée dans l’acte.
Comment abandonner la compulsion alors qu’elle est devenue, depuis longtemps, l’unique réponse à la souffrance ?
Mais progressivement, le patient peut apprendre à penser ce qui lui échappait jusque-là.
Participer à des groupes de type Sex Addicts Anonymous, ou à des groupes thérapeutiques spécialisés, permet de :
« La parole partagée rompt l’enfermement de l’addiction. »
— Jean Bergeret
Lorsque l’addiction sexuelle a fragilisé ou endommagé la relation conjugale, la thérapie de couple peut être un soutien précieux.
Elle permet d’aborder les questions de :
En complément, la sexothérapie aide à réinvestir la sexualité, non comme décharge compulsive, mais comme lieu d’échange, de plaisir et de jeu.
C’est de la désaliéner.
De lui redonner sa place de désir vivant, inscrit dans la parole, dans le lien à l’autre et dans le plaisir.
« Ce n’est pas en supprimant l’acte que l’on guérit, mais en retrouvant la capacité d’en faire un choix. »
— René Kaës
Sortir de l’addiction, c’est transformer l’acte sexuel d’un moyen de survie en un lieu d’épanouissement.
Les patients décrivent parfois la sortie de l’addiction sexuelle comme une re-naissance affective et érotique.
La sexualité n’est pas perdue, elle est transformée.
Elle redevient un espace de liberté, de plaisir, de lien, et non plus un refuge douloureux.
« Le but n’est pas d’éteindre le feu du désir, mais de l’habiter autrement. » — Alberto Eiguer
Lorsque la compulsion s’estompe, que la parole retrouve sa place, que l’angoisse peut être pensée et non plus seulement agie, la sexualité devient plus libre, plus riche, plus singulière.
Ils redécouvrent la possibilité de dire non, de différer, de fantasmer, de jouer, de rencontrer l’autre autrement que dans l’urgence.
Sortir de l’addiction permet de réapprendre à faire de l’autre un véritable partenaire, porteur d’altérité, de subjectivité, de désir réciproque.
Ce n’est plus la compulsion qui structure la rencontre, mais la parole, le jeu, la temporalité du désir partagé.
C’est cesser d’agir malgré soi, d’être prisonnier d’un rituel vide de sens.
Les patients découvrent souvent qu’en affrontant peu à peu l’angoisse autrement que par l’acte, ils restaurent non seulement leur lien au plaisir, mais aussi leur lien à eux-mêmes.
Le travail thérapeutique conduit progressivement à réparer l’estime de soi abîmée par les cycles d’échec, de honte et de solitude.
« Le sujet n’a pas à renoncer au plaisir, mais à la tyrannie de la répétition. » — René Kaës
L’addiction sexuelle est une tentative de survivre face à un conflit psychique, souvent inconscient.
Un symptôme qui parle de solitude, d’angoisse, de traumatismes passés, mais aussi d’une possibilité de transformation.
Avec le temps, le soutien et un travail adapté, il est possible non seulement de sortir de l’addiction, mais de retrouver une sexualité vivante, créative, désirante, loin des automatismes.
Il est essentiel de rappeler que l’addiction sexuelle ne se soigne pas uniquement en luttant contre le symptôme.
Elle se dépasse en redonnant du sens au désir, en affrontant l’angoisse, en symbolisant l’histoire du sujet.
Sortir de l’addiction, c’est s’autoriser à redevenir auteur de sa sexualité, de son rapport à l’autre et à soi.
C’est quitter la compulsion pour retrouver l’intime.
L’addiction sexuelle n’est pas classée comme un trouble spécifique dans le DSM-5, ce qui crée parfois des controverses. Cependant, l’OMS l’a intégrée sous le terme de « comportement sexuel compulsif » dans la CIM-11, reconnaissant ainsi la réalité clinique de cette souffrance. En pratique, de nombreux psychothérapeutes, addictologues et sexologues la considèrent comme une véritable addiction, au même titre que celles liées à l’alcool, aux drogues ou aux jeux. Cela permet aujourd’hui un accès à des soins adaptés.
Il existe des outils d’évaluation validés, comme le Sexual Addiction Screening Test (SAST) développé par Patrick Carnes, largement utilisé par les professionnels. Ces questionnaires aident à repérer les comportements problématiques et l’impact sur la vie quotidienne. Cependant, seul un entretien approfondi avec un thérapeute spécialisé peut poser un véritable diagnostic. Les tests sont une première étape utile, mais ne remplacent pas le regard clinique qui prend en compte l’histoire, le vécu et la souffrance subjective du patient.
Les études montrent une prévalence plus importante chez les hommes, mais cela ne signifie pas que l’addiction sexuelle épargne les femmes. Les mécanismes sous-jacents sont souvent les mêmes, bien que les manifestations puissent différer (pornographie plus fréquente chez les hommes, comportements relationnels ou affectifs compulsifs chez certaines femmes). Par ailleurs, les tabous autour de la sexualité féminine peuvent conduire à sous-diagnostiquer ces situations. L’addiction sexuelle touche des personnes de tous âges, genres et milieux sociaux.
Une libido élevée n’est pas un problème en soi : elle traduit simplement un désir sexuel important mais vécu de manière choisie, sans détresse ni perte de contrôle. L’addiction sexuelle, au contraire, implique une compulsion, une impossibilité à s’arrêter malgré les conséquences négatives. L’individu ne choisit plus, il est poussé à agir pour calmer une tension intérieure. La différence est donc qualitative : dans l’addiction, la sexualité devient souffrance et automatisme, tandis que dans la libido élevée, elle reste plaisir et liberté.
Oui, l’addiction sexuelle est fréquemment associée à d’autres troubles psychiques comme l’anxiété, la dépression, les troubles de l’humeur ou de la personnalité. Des comorbidités addictives sont aussi courantes : alcool, drogues, troubles alimentaires. Parfois, l’hypersexualité fait même partie des symptômes d’un trouble bipolaire ou d’un état de stress post-traumatique. Ces liens rendent le diagnostic et le traitement plus complexes et imposent une prise en charge globale, prenant en compte l’ensemble des dimensions affectives, traumatiques et comportementales de la personne.
Oui, l’addiction à la pornographie est considérée comme une forme spécifique d’addiction sexuelle. Elle se manifeste par une consommation excessive, répétée et non contrôlée, souvent malgré la honte ou la souffrance qu’elle engendre. Les conséquences sont parfois lourdes : isolement, difficultés conjugales, baisse de l’estime de soi, perte de concentration, voire dysfonctionnements sexuels dans la vie réelle. La pornographie devient alors un refuge illusoire contre l’angoisse, au prix d’une rupture progressive avec la sexualité réelle et relationnelle.
Il est possible de prévenir l’addiction sexuelle en favorisant un rapport sain et ouvert à la sexualité dès l’adolescence. Une éducation sexuelle de qualité, la capacité à parler des émotions, l’apprentissage de la gestion du stress et des relations affectives équilibrées sont autant de facteurs protecteurs. La prévention passe aussi par la reconnaissance précoce des souffrances psychologiques ou des traumatismes, notamment sexuels, et l’accès à un accompagnement psychothérapeutique adapté lorsque ces blessures sont présentes. Parler du sujet reste essentiel.
Il n’existe pas de médicament spécifique de l’addiction sexuelle. Toutefois, certains traitements médicamenteux peuvent être proposés dans certains cas pour atténuer des troubles associés (anxiété, dépression, trouble obsessionnel-compulsif). Chez certains patients, des antidépresseurs ou des stabilisateurs de l’humeur aident à mieux gérer les impulsions sexuelles. Mais l’essentiel du traitement repose avant tout sur un travail psychothérapeutique approfondi visant à comprendre l’origine du comportement addictif et à élaborer d’autres modalités de gestion de l’angoisse et du désir.
Il est souvent difficile de parler de cette problématique, car la honte et la peur du rejet sont très présentes. Pourtant, nommer l’addiction peut permettre de briser l’isolement et d’ouvrir un dialogue sincère. Choisir un moment propice, utiliser un langage clair, exprimer ses émotions et son envie de se soigner sont des étapes essentielles. Être accompagné d’un thérapeute dans ce processus est souvent aidant, que ce soit pour préparer l’échange ou l’accompagner dans le temps.
L’aide peut se trouver auprès de psychologues, psychanalystes, sexologues, addictologues ou via des groupes de soutien comme les Sex Addicts Anonymous (SAA). Certains services hospitaliers spécialisés en addictologie proposent également des accompagnements. En France, de nombreuses structures privées et publiques offrent un cadre bienveillant et compétent. L'essentiel est de franchir le pas, sans attendre que la situation empire. Consulter, c’est déjà sortir du déni et commencer à reprendre le pouvoir sur sa vie affective et sexuelle.
Pour approfondir votre compréhension de l'addiction sexuelle, vous pouvez consulter la vidéo suivante, où le Dr Laurent Karila répond à huit questions sur le sujet :