Les positions de vie sont comme un éternel miroir qui reflète non seulement notre perception de nous-même, mais aussi ce que nous pensons des autres. Si vous avez déjà pris quelques secondes pour vous demander pourquoi certains vous irritent, pourquoi d’autres semblent constamment faire les mauvais choix, ou pourquoi vous-même êtes en perpétuelle insatisfaction, ce sujet pourrait vous parler.
Les positions de vie, concept fondamental de l’analyse transactionnelle, sont là pour mettre en lumière ces jugements intérieurs qui, sans crier gare, dictent nos comportements et nos réactions.
Développé par Eric Berne dans les années 1950, ce cadre théorique propose quatre filtres de perception : Je suis OK / Vous êtes OK, Je suis OK / Vous n'êtes pas OK, Je ne suis pas OK / Vous êtes OK, et Je ne ne suis pas OK / Vous n’êtes pas OK. Ces positions, comme des postures de vie profondément ancrées, façonnent nos échanges au quotidien, souvent sans que nous en ayons conscience. Comme l’explique Erskine (2019), elles influencent nos attentes, nos frustrations, et nos attitudes générales face aux autres et face à nous-mêmes. Autrement dit, elles sont bien plus qu’un simple état d’esprit ; elles sont une grille interprétative qui, pour le meilleur ou pour le pire, colore chaque interaction que vous avez.
Avec le filtre Je suis OK / Vous êtes OK, vous êtes dans une disposition plutôt ouverte et positive envers vous-même et autrui. Avec le filtre Je suis OK / Vous n'êtes pas OK, vous vous considérez compétent et autonome, tout en déplorant la lenteur, l’incapacité ou l’inefficacité des autres.
Ces positions de vie sont rarement conscientes ; elles sont, pour la plupart, installées en arrière-plan, discrètes, mais influentes. Elles agissent comme une boussole interne, façonnée par des souvenirs d’enfance, des expériences de rejet ou de valorisation, et bien souvent, des attentes sociales et familiales. Peut-être avez-vous déjà entendu dire qu’une personne est « négative » ou « autocratique » – ce sont parfois des manifestations directes d’une position de vie cristallisée, comme un filtre que l’on a oublié d’enlever.
Chacune de ces positions est à la fois un jugement et une stratégie d’adaptation. Elles expliquent pourquoi certaines personnes semblent constamment dans une attitude d’attaque, de défense, ou de retrait. Elles agissent comme des filtres de perception, façonnant nos jugements et nos interactions, et ce, bien souvent, de manière sournoise.
Ces impressions sont les reflets de vos positions de vie. Elles vous suivent, telles des ombres silencieuses, dans chaque réunion, chaque échange.
Prenons la position Je vais bien / Vous n’allez pas bien. Si vous vous trouvez dans cette posture, elle se manifestera probablement dans vos interactions par une impatience sous-jacente, une propension à donner des conseils (qu’on ne vous a pas demandés) ou même une forme d’autorité bienveillante (ou non). En revanche, avec une posture Je ne vais pas bien / Vous allez bien, vous risquez de vous sentir inférieur, adoptant un rôle de suiveur, voire d’effacé, espérant secrètement l’approbation des autres pour compenser une estime de soi déficiente.
On vous dira que tout est possible, et en effet, certaines psychothérapies, notamment celles basées sur l’analyse transactionnelle, visent à modifier ces filtres de perception pour tendre vers une position OK-OK. Théoriquement, avec assez de volonté et un soupçon de lucidité, il est possible de réévaluer nos croyances de base, d’appréhender nos relations avec plus de bienveillance et de recul.
Cela dit, sortir d’une position de vie est loin d’être facile. Beaucoup y sont ancrés depuis l’enfance, et il serait naïf de croire qu’une ou deux séances de réflexion vont suffire à changer des comportements qui, peut-être, vous accompagnent depuis plusieurs décennies. Ce n’est pas que le changement soit impossible, mais il exige un travail constant, une prise de conscience durable et, disons-le, un certain lâcher-prise. Comme le rappelle Lapierre (2020), « admettre la valeur de l’autre tout en reconnaissant la sienne demande un équilibre souvent inconfortable, mais essentiel ».
En effet, un modèle en quatre catégories pourrait donner l’impression d’une vision binaire, où l’on oscille entre le « bien » et le « mal », ou l’« efficace » et l’« inefficace ».
Cependant, les positions de vie demeurent utiles pour une chose : révéler des tendances générales, des schémas de pensée qui se répètent, des étiquettes que nous nous appliquons sans même en avoir conscience. Elles montrent, non pas une vérité absolue, mais un cheminement possible pour comprendre nos réflexes relationnels et, qui sait, commencer à les modifier si nécessaire.
Les positions de vie sont un concept qui, malgré sa simplicité, propose une réflexion essentielle : la manière dont vous vous percevez, et dont vous percevez les autres, est-elle vraiment juste ? Ou n’est-elle qu’un reflet de votre propre histoire, de vos propres doutes et de vos propres jugements ? En analysant ces positions de vie, l’objectif n’est pas tant de les éradiquer que de les comprendre, de les accepter comme des filtres imparfaits.
Références
Erskine, R. G. (2019). Analyse transactionnelle et psychothérapie intégrative. Dunod.
Lapierre, A. (2020). La communication en analyse transactionnelle : comprendre les relations humaines. Éditions de la Tempérance.