Dans un monde où l’humain, dans toute sa complexité, cherche à se comprendre et à évoluer, la question de l’accompagnement en thérapie et en coaching se pose avec acuité. En tant que psychologue, psychothérapeute ou thérapeute, vous vous retrouvez quotidiennement à naviguer entre l’envie d’aider et la réalité de l’accompagnement, où parfois le refus apparaît comme une dimension éthique incontournable. Dans ce billet, examinons en profondeur, les contours de l’éthique du refus dans nos pratiques professionnelles. Peut-on vraiment accompagner tout le monde ?
Accompagner quelqu’un suppose un engagement réciproque, une rencontre authentique, et une co-construction du processus d’aide. Or, il arrive que certaines demandes ne puissent être honorées, pour des raisons cliniques, éthiques, personnelles ou déontologiques. Refuser un accompagnement ne signifie pas rejeter l’autre, mais garantir une prise en charge adaptée et préserver l’intégrité du praticien.
Pour illustrer cette problématique, Donald Winnicott nous rappelle en 1960 :
« Il ne suffit pas d’être là. Encore faut-il savoir si notre présence est aidante. »
Cette citation souligne l’importance de reconnaître quand notre présence peut être réellement bénéfique – et quand, au contraire, elle risque de nuire.
De plus, Carl Rogers, l’un des pionniers de la thérapie centrée sur la personne, insistait sur l’importance de l’authenticité dans la relation d’aide en affirmant :
Cette réflexion nous invite à envisager le refus non pas comme un échec, mais comme une reconnaissance honnête de nos propres limites, permettant ainsi de favoriser un véritable changement chez le patient.
Enfin, dans la recherche sur le burnout et la fatigue compassionnelle, Figley (1995) nous met en garde contre le risque d’épuisement chez les professionnels de l’aide, tandis que Schaufeli, Leiter et Maslach (2009) rappellent que :
Ces réflexions, issues de recherches approfondies, renforcent l’idée que prendre soin de soi et poser des limites claires est indispensable pour préserver la qualité de l’aide que nous apportons.
Ainsi, ce billet se propose d’explorer en détail les questions suivantes :
L’envie d’aider l’autre, d’accompagner son chemin de transformation dans la vie, est souvent la vocation qui nous a conduits vers les métiers de la relation d’aide. Pourtant, cette vocation se heurte parfois à des réalités qui imposent de reconnaître ses limites. Accompagner, c’est engager une relation de confiance, fondée sur une écoute active et respectueuse. Mais chaque patient ou client arrive avec son histoire, ses spécificités, ses traumatismes ou ses résistances, qui peuvent influencer la qualité et la pertinence de l’accompagnement.
Dans la pratique, il peut s’avérer que certaines problématiques, telles que des troubles de la personnalité sévères, des conflits intrapsychiques profonds ou des croyances limitantes fortement ancrées, demandent une approche très spécialisée. Vous pouvez ainsi être confronté(e) à la question suivante : êtes-vous le professionnel le mieux placé pour accompagner ce client ? Reconnaître la diversité des besoins vous amène à une première réflexion éthique : accepter un client dont les besoins dépassent vos compétences peut compromettre la qualité de l’accompagnement et même causer un risque pour la santé mentale.
Dès lors, l’éthique vous impose de vous interroger sur la pertinence de poursuivre la relation d’aide dans certaines situations. Ce devoir de vigilance, parfois difficile à accepter, se traduit par une responsabilité professionnelle et morale qui vous conduit à envisager, parfois, un refus éclairé, essentiel dans le processus de changement.
Refuser d’accompagner une personne, c’est reconnaître que la relation thérapeutique ou de coaching ne serait pas propice à un changement positif pour l’un ou l’autre. Un tel refus, loin d’être un jugement de valeur sur la personne, est le reflet d’une posture professionnelle qui privilégie la qualité de l’accompagnement à la quantité des consultations, et s’inscrit dans une recherche constante du bien-être et de l’équilibre de la vie.
Il s’agit plutôt d’un acte d’amour et de respect, aussi bien pour le client que pour vous-même. En orientant la personne vers une démarche ou un professionnel mieux adapté à ses besoins, vous contribuez à sa véritable évolution. Ce geste, qui s’appuie sur des principes fondamentaux de la psychologie et de la psychothérapie, permet de prévenir les dérives et de favoriser un accompagnement authentique, fondé sur la bienveillance et la reconnaissance de l’autre dans sa globalité.
En tant que professionnel(le) de la relation d’aide, qu’il s’agisse d’un psychologue, d’un psychothérapeute ou d’un thérapeute, il vous est utile de vous interroger sur vos propres réactions, vos limites et vos zones d’inconfort. Un travail régulier de supervision ou de consultation entre pairs peut s’avérer précieux pour identifier les moments où votre présence pourrait être contre-productive. Se poser la question suivante peut être instructif : « Suis-je dans la meilleure posture pour accompagner cette personne dans sa vie et favoriser un réel changement ? »
Il s’agit de trouver les mots justes pour exprimer que, dans le contexte actuel, la relation d’aide ne permettrait pas d’atteindre les objectifs escomptés. Quelques points à considérer lors de cette communication :
Pour illustrer la communication du refus, voici quelques exemples de formulations que vous pourriez utiliser lors d’un entretien :
Accepter d’accompagner tout le monde, sans discernement, peut mener à des situations où le risque de maltraitance, d’erreur de jugement ou même de manipulation se fait sentir. Pour un psychologue ou un psychothérapeute, l’éthique du refus permet ainsi de se conformer aux principes de précaution et de responsabilité qui sous-tendent ces référentiels, en mettant l’accent sur la recherche de pratiques sûres et respectueuses.
Par exemple, si le client présente des comportements qui pourraient être perçus comme abusifs ou violents, le refus d’entrer dans une relation d’aide potentiellement dysfonctionnelle permet de garantir la sécurité de chacun. En tant que professionnel, vous devenez ainsi un acteur de la prévention des situations à risque, protégeant tant votre intégrité que celle du client, et veillant à la santé psychique et émotionnelle de tous.
Cela vous permet d’investir dans votre formation continue et d’enrichir votre pratique par des références ou des partenariats avec d’autres psychologues et psychothérapeutes. En cultivant cette ouverture, vous contribuez à la construction d’un réseau professionnel solidaire et responsable, où l’éthique prime sur la simple recherche de performance ou de rentabilité, et où chaque situation est examinée avec rigueur.
Vous pouvez ressentir de la culpabilité, de l’inquiétude ou encore la crainte de blesser l’autre. Ces émotions sont légitimes et témoignent de votre engagement profond envers l’accompagnement humain et le bien-être de vos patients. Il est donc essentiel de prendre le temps de traiter ces ressentis en supervision ou en échanges avec des pairs de confiance. La gestion de vos émotions constitue une composante iimportante de l’éthique professionnelle et contribue à instaurer un climat favorable au changement.
Se recentrer sur cet objectif peut vous aider à relativiser la difficulté de dire non. Vous ne refusez pas la personne, vous refusez une méthode ou un cadre qui ne serait pas propice à son changement. Ainsi, le refus devient un geste altruiste, orienté vers l’intérêt supérieur du client et la recherche d’un accompagnement de qualité.
Participer à des groupes de supervision, à des formations ou à des colloques sur le sujet permet d’échanger des points de vue, de partager des expériences et de trouver des stratégies communes pour naviguer dans ces situations délicates. En vous sentant soutenu(e) par vos pairs, vous renforcez votre confiance en votre jugement professionnel et en votre capacité à prendre des décisions difficiles, favorisant ainsi un véritable changement dans votre pratique.
La formation continue vous permet d’enrichir vos compétences en psychologie et psychothérapie et de mieux identifier les situations où un refus s’impose. En investissant dans votre développement professionnel, vous vous donnez les moyens de mieux servir vos patients, même si cela implique parfois de les orienter vers d’autres spécialistes pour un changement durable dans leur vie.
En intégrant cette dimension dans votre projet professionnel, vous participez à la construction d’un cadre de travail plus respectueux et authentique.
Vous contribuez ainsi à l’évolution de la discipline en montrant que l’accompagnement ne se mesure pas uniquement à l’aune du nombre de personnes aidées, mais bien à la qualité et à la pertinence de l’aide apportée, tout en s’appuyant sur des fondements solides de psychologie et de psychothérapie.
Lorsque vous êtes en mesure d’expliquer vos choix, y compris le refus, vous permettez au client de comprendre que chaque décision est prise dans son intérêt et avec l’objectif de favoriser une évolution authentique dans sa vie. Cette transparence renforce la crédibilité de votre pratique et encourage un climat de dialogue ouvert, où chacun se sent écouté et respecté, guidé par la recherche de solutions adaptées à chaque situation.
Refuser d’accompagner un individu, c’est accepter que, parfois, dire non est la meilleure façon d’aider, tant pour le psychologue que pour le patient.
En adoptant une posture éthique et réfléchie, vous protégez votre intégrité professionnelle, tout en permettant au client de trouver la voie la plus adaptée à son évolution dans la vie. La démarche de l’éthique du refus vous invite à reconnaître vos limites, à valoriser la qualité de l’écoute et à promouvoir une relation d’aide authentique, fondée sur le respect de l’autre et de soi-même. C’est dans cette optique que les psychothérapeutes et autres professionnels de la relation d’aide poursuivent leur recherche constante d’un accompagnement respectueux et adapté aux besoins de chacun.
En faisant le choix de dire non lorsque cela s’impose, vous ne renoncez pas à votre vocation, mais vous l’enrichissez d’une dimension de responsabilité et de profondeur. Vous contribuez ainsi à la construction d’un cadre de l’accompagnement qui place l’humain au centre de la réflexion, en reconnaissant que parfois, l’art de dire non est essentiel pour permettre à l’autre de dire oui à sa propre transformation et à un changement positif dans sa vie.
Nous espérons que cet article aura éclairé votre regard sur l’éthique du refus en thérapie et en coaching, et qu’il vous accompagnera dans votre démarche de devenir un(e) praticien(ne encore plus conscient(e) et respectueux(se) de l’autre. En cultivant une approche qui valorise autant l’acceptation que le refus, vous participez activement à l’évolution d’une pratique d’aide qui se veut à la fois humaine, authentique, fondée sur les principes de la psychologie, et profondément responsable.
En conclusion, l’éthique du refus n’est pas une faiblesse ou une limitation, mais bien une preuve de discernement et d’engagement envers une pratique d’accompagnement de qualité. Que vous soyez psychologue, psychothérapeute, coach ou thérapeute, il vous appartient de naviguer avec sagesse dans les eaux parfois troubles de la relation d’aide, en gardant toujours à l’esprit que dire non, quand c’est nécessaire, est un acte de bienveillance et de respect pour vous-même, vos patients, et pour la santé globale de chacun.