Vous est-il déjà arrivé de vider un paquet de chips ou de chocolat sans vous en rendre compte, simplement parce que vous vous sentiez stressé, triste ou fatigué ? Si c’est le cas, vous n'êtes pas seul.e. Ce comportement est souvent lié à un trouble alimentaire appelé hyperphagie boulimique. Mais qu’est-ce que l’hyperphagie exactement, et pourquoi est-elle parfois difficile à identifier ?
L’hyperphagie, c’est lorsque vous avez des épisodes récurrents où vous mangez une grande quantité de nourriture en un temps limité, généralement en moins de deux heures, tout en ayant l'impression de perdre le contrôle. Ce n'est pas seulement un excès ponctuel, mais une manière récurrente de gérer vos émotions à travers la nourriture. Contrairement à la boulimie, ces crises ne sont pas suivies de comportements compensatoires (comme se faire vomir ou faire de l'exercice intensif), ce qui peut entraîner une prise de poids importante.
Le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) reconnaît l’hyperphagie boulimique comme un trouble alimentaire distinct. Ce diagnostic repose sur plusieurs critères, dont des épisodes de suralimentation où vous perdez le contrôle sur la quantité de nourriture consommée. Ces épisodes doivent se produire au moins une fois par semaine pendant trois mois.
Pendant ces crises, il est courant de manger très rapidement, jusqu’à se sentir inconfortablement plein, ou de manger seul par honte. Après, des émotions négatives comme la culpabilité ou la honte peuvent apparaître. Contrairement à la boulimie, l'hyperphagie ne s’accompagne pas de tentatives pour compenser ces excès, rendant le trouble plus difficile à identifier.
Avez-vous remarqué que lorsque vous mangez pour apaiser vos émotions, vous êtes attiré par des aliments spécifiques ? Ce n’est généralement pas une salade ou des légumes que vous cherchez, mais plutôt des chocolats, des chips ou de la glace.
Cela s’explique en grande partie par la réaction chimique que ces aliments provoquent dans le cerveau. Les aliments gras, sucrés ou salés activent la production de dopamine, l’hormone du plaisir, qui procure un soulagement rapide et une sensation de bien-être. C’est une réponse biologique inscrite dans notre système pour rechercher des sources de plaisir face à des émotions désagréables.
Il y a aussi une dimension psychologique et culturelle. Certains aliments sont associés à des souvenirs réconfortants ou à des moments heureux, comme les biscuits que votre grand-mère préparait ou les glaces partagées avec des amis. Ces aliments rassurants sont liés à des émotions positives, et c’est pourquoi vous les recherchez instinctivement en période de stress ou de tristesse.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vos envies de manger pour compenser vos émotions se manifestent souvent le soir ? Après une longue journée de travail ou de gestion familiale, il est fréquent de ressentir un vide. Mais pourquoi ces envies surviennent-elles précisément à ce moment de la journée ?
Après avoir passé la journée à résoudre des problèmes, à faire face au stress et à prendre des décisions, vos ressources mentales sont épuisées. Le soir, votre cerveau cherche un moyen rapide de relâcher la pression et de trouver du réconfort.
C'est aussi souvent le moment où vous vous retrouvez enfin seul, sans distractions pour échapper à vos émotions refoulées pendant la journée. C’est là que le stress, l’ennui ou même la solitude peuvent déclencher une envie de manger, car c’est une réponse directe et rapide à ces sentiments inconfortables.
Avez-vous déjà ressenti cette envie soudaine et incontrôlable de manger, comme si c’était plus fort que vous ? Mais pourquoi cette impulsivité est-elle si présente lorsque vous mangez pour apaiser vos émotions ?
Quand vous vous sentez submergé par l’anxiété, la tristesse ou la colère, votre cerveau cherche une solution rapide pour apaiser cette tension. Manger devient alors un réflexe, une manière de calmer cette vague émotionnelle sans prendre le temps de réfléchir à ce que vous ressentez vraiment.
Certains facteurs, comme le manque de sommeil ou un stress élevé, peuvent accentuer cette impulsivité. Lorsque vous êtes fatigué, votre capacité à prendre des décisions rationnelles diminue, et vous êtes plus enclin à céder à des envies de grignotage sans réfléchir aux conséquences.
Une fois l’émotion apaisée et la nourriture consommée, il est courant de ressentir une autre émotion : la culpabilité.
Vous savez que manger pour calmer une émotion n’est pas la solution idéale, mais sur le moment, c'était votre réponse immédiate. Cette dissonance entre vos intentions et vos actions crée un sentiment de culpabilité.
Nous vivons dans une société où le contrôle de soi est valorisé, notamment en ce qui concerne l’alimentation. Céder à une envie impulsive peut donner l’impression d’un échec personnel, renforçant ce sentiment de culpabilité.
Ce trouble ne définit pas qui vous êtes, et vous n’êtes pas seul.e à le vivre. Parler à un professionnel de santé mentale, comme un psychologue, un psychanalyste, un psychothérapeute ou un psychiatre, peut être un premier pas vers la compréhension et la guérison. Ces spécialistes sont là pour vous accompagner et vous aider à reprendre le contrôle, non pas en vous privant, mais en travaillant sur la gestion de vos émotions et sur votre relation avec la nourriture.
Elles permettent d’identifier les déclencheurs émotionnels et d’apprendre des stratégies pour mieux gérer ces émotions sans avoir recours à la nourriture. Il existe également des groupes de soutien, où vous pouvez partager votre expérience avec d'autres personnes vivant la même chose.
Cette thérapie se concentre sur les schémas de pensée et de comportement qui maintiennent le trouble, notamment la logique de contrôle, les croyances sous-jacentes et les comportements d'évitement. Dans le cadre de l'hyperphagie, la logique de contrôle peut se traduire par une tentative de gérer des émotions difficiles ou des situations stressantes en mangeant.
Les croyances sous-jacentes, comme l'idée que la nourriture est une source de réconfort ou un moyen de combler un vide émotionnel, jouent également un rôle crucial. Ces croyances peuvent être profondément ancrées et difficiles à changer, mais la thérapie stratégique systémique vise à les déconstruire progressivement. En utilisant des interventions spécifiques et ciblées, cette approche aide à identifier et à modifier les comportements qui maintiennent le trouble, tout en abordant les mécanismes d'évitement qui empêchent la personne de faire face à ses émotions ou à ses problèmes de manière plus constructive.
Le travail sur ces aspects permet de rétablir un équilibre, en vous aidant à trouver de nouvelles stratégies pour gérer vos émotions et pensées sans recourir à la suralimentation.